HADÈS Archéologie

Saint-Pierre

Fiche

Résumé

Le site prend place au nord du centre historique de Saint-Gilles, à l’extérieur, mais à faible distance du rempart médiéval. D’une superficie de 3000 m2 environ, cette fouille préventive, réalisée préalablement à la construction de logements sociaux, a porté sur des parcelles dont le potentiel archéologique était connu. Divers travaux de terrassement menés au début des années 1970 avaient révélé la présence de plusieurs fours de potiers, datés par archéomagnétisme de la fin du XIIIe ou du début du siècle suivant. Plusieurs tombes postérieures aux structures artisanales avaient également été mises au jour. Le diagnostic réalisé en 2005 a confirmé la densité des vestiges sur ces parcelles en identifiant une portion du fossé défensif de la ville médiévale, de nouveaux vestiges du Moyen Âge ainsi qu’un véritable cimetière d’époque moderne.

La fouille réalisée en 2007 a permis de décaper un tronçon du fossé septentrional du bourg médiéval. Observé sur près de 60 m, il est orienté selon un axe nord-ouest/sud-est. Conservé sur une profondeur de 2 m, il présente au plus bas une largeur moyenne de 12 m. Ce large fossé sec double le mur d’enceinte dont une portion est encore observable au sud de l’emprise. Ces deux ouvrages, strictement parallèles, sont vraisemblablement contemporains. Ils participent sans doute d’un même programme de mise en défense de la ville, remontant au moins au XIIe siècle, puisque la première allusion au rempart apparaît dans les textes en 1170.

Les autres vestiges découverts lors de la fouille prennent place sur le replat qui longe le fossé au nord. Deux principales occupations y ont été reconnues.

La première est un complexe artisanal dédié à la fabrication de poteries. La mise en place des premières installations survient dans la seconde moitié du XIIe siècle. Cette occupation « pionnière » voit la mise en place d’un bâtiment, en bordure du fossé, et de trois fours circulaires, construits en retrait. La vaisselle à pâte sableuse issue de ces structures offrent une gamme de produits assez limitée (fig. 1).

Au tournant des XIIe-XIIIe siècle, le site prend une dimension nouvelle qui se concrétise par l’abandon des premières structures et par la mise en place de nouveaux aménagements. Quatre fours de potier munis d’une à languette axiale sont alors édifiés. Ces structures de cuisson sont associés à une petite dizaine de bâtiments qui sont, pour la plupart, alignés sur la contrescarpe du fossé de la ville. Ils se matérialisent par des excavations peu profondes creusées dans le substrat. De plan rectangulaire, ces espaces couvrent une superficie qui varie, selon les cas, de 20 à 40 m². S’il est tentant d’associer tous ces espaces à l’activité potière, les éléments matériels manquent souvent pour être pleinement affirmatif. D’indubitables traces liées aux travail des potiers ont néanmoins été relevées. Il en est ainsi des deux empreintes successives laissées par le volant d’un tour dans l’un des bâtiments (fig. 2). Dans d’autres, des fosses moins régulières associées à des concentrations d’argile peuvent, avec une certaine réserve toutefois, être interprétées de la même manière. Par ailleurs, le travail de la terre peut se percevoir à travers la nature des sols qui résultent du piétinement de l’argile, omniprésente à l’intérieur de ces différents espaces. Enfin, la présence récurrente de fils de cuivre permettant de détacher les poteries de la girelle du tour constitue une autre preuve tangible de l’artisanat potier (fig. 3).

Les productions issues de ces officines correspondent à une vaisselle à pâte grise, réalisée dans trois principaux types de pâte, calcaire, sableuse et sableuse « grenue ». La première, minoritaire, semble plus spécifiquement réservée à la confection de récipients destinés au service ou au stockage (cruches, pichets, jarres…) ; les deux autres sont plutôt associées aux vases à usage culinaire (pots, marmites, couvercles…). L’existence d’une infime portion de poteries glaçurées, visiblement produites sur place, est également à signaler. Dans son ensemble, le répertoire des formes offre une certaine diversité qui contraste quelque peu avec le mode de cuisson utilisé.

Les données chronologiques recueillies (numismatique, mesures archéométriques), confortées par les datations proposées à partir des différents mobiliers, convergent pour placer la principale occupation de ce complexe artisanal dans la première moitié du XIIIe siècle.

La seconde occupation relevée dans les limites de l’emprise est de nature funéraire. Près de 250 tombes se superposant aux structures médiévales ont ainsi été mises au jour. En raison de contraintes de temps, de la présence d’une décharge contemporaine au cœur de l’emprise, et de la priorité donnée aux structures médiévales, la fouille du cimetière n’a pas pu être exhaustive, impliquant de fait un échantillonnage.

L’opération a ainsi concerné 104 sépultures, majoritairement individuelles. Certaines tombes d’adulte sont associées à un ou plusieurs sujets en réduction et trois tombes d’enfant sont doubles. La caractérisation des modes de dépôts du corps dans la tombe révèle une standardisation du geste. Les défunts sont inhumés sur le dos au sein de cercueils en bois cloués et orientés selon un axe ouest-est, la tête étant systématiquement à l’ouest. Les membres supérieurs sont fléchis, mains placées en avant soit du bassin soit de l’abdomen, et les membres inférieurs sont en extension.

L’échantillon étudié se compose de 133 individus de tout âge et des deux sexes. L’analyse spatiale de la répartition des sujets en fonction des critères d’âge et de sexe ne montre aucune spécialisation (ni globale ni zonale) de l’espace funéraire, et les analyses paléo démographiques ont pu mettre en évidence que le profil obtenu reflète un schéma de mortalité naturelle.

Les sépultures n’ont pas livré de mobilier antérieur au XVIe. La fin de l’utilisation de la nécropole, documentée par les textes, survient à la charnière des XVIIIe-XIXe siècles. Parmi les mobiliers remarquables extraits des sépultures, il convient de signaler la découverte, dans l’une d’elles, d’une épée longue en fer dite « rapière » brisée en trois morceaux (fig. 4) et, dans une autre, d’un lot de dix-huit monnaies d’or dont les émissions s’échelonnent entre le milieu du XVIe et le premier quart du siècle suivant (fig. 5).

L’étude documentaire réalisée permet vraisemblablement d’identifier ce cimetière (ou une partie de celui-ci) à une aire funéraire dédiée à la communauté protestante de Saint-Gilles qui fait l’acquisition de cette parcelle en 1624.

Au final, la fouille préventive menée au lieu-dit Saint-Pierre a permis de suivre l’évolution d’un quartier suburbain de la ville de Saint-Gilles, entre le XIIe et le XIXe siècle. Ainsi, malgré d’évidentes limites (extension inconnue du complexe artisanal comme du cimetière, nombreuses perturbations dues aux aménagements récents), les apports de cette opération sont multiples.

Concernant l’occupation potière, cette fouille a permis d’enrichir considérablement les connaissances déjà acquises sur les ateliers de Saint-Gilles. Tout d’abord, elle a offert l’opportunité de fouiller des espaces bâtis associés aux fours, seules structures connues jusqu’à présent. Par ailleurs, la quantité de céramique découverte apporte un appréciable complément de typologie aux formes déjà répertoriées. Enfin, la découverte de monnaies en contexte et le recours à des datations physiques a permis de vieillir sensiblement l’âge attribué jusqu’à présent aux poteries saint-gilloises.

Concernant l’occupation funéraire, cette opération a donné l’occasion d’explorer, même partiellement, un cimetière paroissial d’époque moderne. L’identification probable de cet espace comme un carré protestant n’est pas le moindre des apports de cette fouille.

Rémi CARME