Fiche
Résumé
Le projet de réhabilitation d’une maison en cœur de ville à Prades (66), située rue des Marchands, a motivé la prescription par le service régional de l’Archéologie (DRAC Languedoc-Roussillon) d’un diagnostic archéologique mené en 2011 par l’INRAP et qui s’est révélé positif (Huser 2011). L’évaluation archéologique, qui s’est portée sur le bâti de la maison et sur le sous-sol de la cour, a permis de mettre en évidence l’existence d’un bâti ancien daté du XVe siècle. L’étude de la charpente a révélé une poutre avec les vestiges d’une peinture médiévale remarquablement bien conservée. L’exploration de la cour a permis d’observer une large séquence d’occupation depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours.
L’étude stylistique du décor peint de la poutre en sapin (fig. 1 à 3) réalisée par Hadès ne contredit pas la datation du bâti établie lors du diagnostic puisque le décor est daté de la seconde moitié du XVe siècle (1440-1442). L’analyse dendrochronologique ne permet pas de confirmer cette datation, en raison de l’absence d’aubier, mais elle assure que l’arbre n’a pu être abattu avant 1309.
La fouille sédimentaire réalisée par Hadès dans la cour en décembre 2011 (fig. 4), a permis de préciser les phases d’occupation mises en évidences lors du diagnostic.
Un niveau de circulation a pu être dégagé, il est en partie scellé par un niveau de remblai / démolition contenant du matériel antique (céramique sigillée sud-gauloise et africaine de cuisine) (fig. 5 et 6). Cette couche repose sur une séquence d’épaisseur variable caractérisée par des alternances de limons et sables assez grossiers (avec des traces d’oxydation) et dépourvue de toute inclusion anthropique. Les matériaux qui ont servi à constituer cette voie ou chemin particulièrement rectiligne – petits galets très indurés, mêlés à des scories et à de rares tessons posés à plat, à l’interface de la couche de remblai évoquée ci-dessus – ont été apportés et déposés dans une légère dépression probablement creusée à cet effet dans le substrat. Si nous pouvons placer l’abandon de la voie avant le IIe siècle, il s’avère difficile d’en dater la création. L’épaisseur du niveau de circulation ne contient aucun élément datant (fig. 7 et 8). Le caractère modeste de la voie et l’absence de structures nettes en relation avec elle, ne permettent pas de trancher en faveur d’une occupation de type urbain ou rural. Le mobilier antique collecté (peson, céramique culinaire, vaisselle de table, mais aussi et surtout mobilier métallique riche en scories de fer) suggère la proximité d’une occupation relativement modeste dotée d’activités artisanales. Quoi qu’il en soit l’orientation de cette voie n’est reprise par aucun des axes de communication hérités du système médiéval (fig. 9) comme si l’occupation médiévale avait entièrement remodelé le réseau de communication primitif.
Un sondage réalisé lors de l’évaluation archéologique avait évoqué la présence possible d’un mur. Nous avons pu retrouver et nettoyer cette structure. La stratigraphie a été relevée à son pied. Un alignement de galets disjoints, de morphologie similaire, a été dégagé plus au sud, au pied de la berme sud de la zone fouillée. Ces éléments, qui apparaissent à la même altitude que celles de la structure évoquée dans le diagnostic, ont été posés sur un niveau de remblai bien postérieur à l’abandon de la voie. Aucune structure susceptible d’être dans l’alignement de ces dernières n’a été retrouvée. Ces quelques aménagements, fugaces, qui pourraient correspondre à des drains, témoignent d’une occupation intermédiaire à placer entre l’Antiquité (bien après l’abandon de la voie) et le Moyen Âge.
Par contre, l’existence d’une structure maçonnée ne fait aucun doute au nord de la zone fouillée (fig. 10). Il s’agit de l’angle sud-est d’un probable bâtiment qui s’engage sous la berme, en direction du parking actuel. Les éléments de galets de grand module, jointifs, ont été déposés sur un niveau de circulation bien induré. La relation entre cette structure et la voie s’avère difficile à faire. Seules les orientations, couplées aux altitudes suggèrent leur contemporanéité.
Nous n’avons trouvé, et ce malgré la proximité du noyau médiéval, aucune trace de mobilier attribuable au Moyen Âge. Nous verrions volontiers dans cette absence de niveaux médiévaux, l’indice d’une récupération ou d’un creusement préalable à la mise en place des structures qui caractérisent la période tardo-médiévale / moderne, en relation avec la construction de la maison. Le diagnostic archéologique laissait présager une forte densité de vestiges artisanaux, en relation avec cette phase, mais la fouille n’a pas permis de déceler la présence de structure supplémentaire.
Finalement, la partie nord de la zone de fouille apparaît fortement impactée par les creusements dont le comblement moderne voire même contemporain pour certains d’entre-eux, est à mettre en relation avec l’occupation des maisons voisines.
Éric DELLONG
Huser 2011 : HUSER (A.). — Pyrénées-Orientales, Prades, Immeuble Place de l’Appel du 18 juin 1940 / rue des Marchands,Rapport d’opération, diagnostic archéologique, INRAP Méditerranée, service régional de l’Archéologie, Montpellier : 2011, 75 p.