Fiche
Résumé
2010 – Étude archéologique du bâti
Le projet imminent de rénovation du musée Ingres a fourni l’occasion à la direction régionale des Affaires Culturelles de Midi-Pyrénées de prescrire une étude archéologique préalable du bâtiment, en concertation avec la direction du musée et la ville de Montauban. En effet, cet ancien palais épiscopal de la seconde moitié du XVIIe siècle, réparti sur huit niveaux, est construit sur les vestiges d’un bâtiment appelé le « château neuf », dont la construction semi-enterrée, à flanc de coteau, est attribuée à l’occupation anglaise des années 1360-1369 (fig. 1). Situé sur le rempart de la ville, à proximité de son seul pont, construit au début du XIVe siècle, ce bâtiment est vraisemblablement laissé à l’abandon entre la fin du XIVe et le début du XVIe siècle. Il est ensuite occupé par des maisons, avant d’être transformé en boulevard, en préparation du siège glorieux de 1621, où la ville protestante a tenu tête à l’armée royale. La ville étant soumise huit ans plus tard, l’évêque choisit ce site pour y installer le symbole de son autorité, affichant le retour du catholicisme triomphant à toute personne entrant dans la ville depuis l’autre rive du Tarn.
Riche en histoire et largement étudié depuis la fin du XIXe siècle, le site méritait néanmoins une synthèse afin de guider et de mettre en garde les auteurs des projets architecturaux et muséographiques à venir. Confiée à la société Hadès, cette étude comporte une analyse du bâti de tout le bâtiment, avec une attention plus particulière portée à ses niveaux de sous-sol, complétée par trois sondages archéologiques dans la cour et à l’extérieur du palais. Elle s’accompagne en outre d’une recherche documentaire importante et d’un lever topographique au tachéomètre des élévations en sous-sol et extérieures.
Malgré la difficulté d’analyser un bâtiment aux parements souvent peu lisibles, occupé par des collections muséographiques et ouvert toute la semaine au public, les résultats combinés de ces trois études, permettent d’apporter des nuances aux connaissances déjà bien établies sur le site.
Ainsi, le pont du XIVe siècle a été construit sur une large maçonnerie arasée et démaigrie qui pourrait être un vestige du rempart du XIIe siècle, que le traité de 1229 avait condamné à la démolition. La tour défendant l’entrée orientale du pont, détruite en 1663 pour la construction du palais épiscopal, conserve son premier niveau, fossilisé au deuxième sous-sol dans les constructions plus tardives : elle est contemporaine de la construction des arches (fig. 2). Peut-être qu’un passage permettait de descendre de cette tour aux quais du Tarn, situés quelques sept mètres plus bas, mais les indices sont difficiles à distinguer parmi les maçonneries concrétionnées par les infiltrations d’eau dans ces pièces très humides.
Au moins cet étage et sans doute l’étage supérieur de cette tour ont été privatisés par la construction du XIVe siècle. En fait, ce « château neuf » est difficile à dater, seules les clefs de voûte de sa salle principale, encore lisibles au XIXe siècle, permettent de l’attribuer à l’administration anglaise (fig. 3). Aussi, la fonction d’une telle bâtisse restée inachevée, largement ouverte et contrefortée du côté du Tarn, demeure difficile à interpréter. Les vestiges conservés esquissent un plan en U, organisé autour d’une grande salle voûtée, flanquée de petites chambres habitables et d’un vestibule encore mal défini (fig. 4). Les circulations verticales étaient assurées par un escalier en vis logé dans un angle du bâtiment. Ces dispositions rappellent fortement celles des palais urbains des XIIe – XIVe siècles décrits par J. Mesqui. Cependant, l’aspect semi-enterré de la salle, l’absence de lisibilité du plan et l’impossibilité d’identifier les accès à ce palais temporisent quelque peu l’interprétation. Une destination défensive, telle une salle des gardes, pourrait être envisagée, mais elle ne paraît pas exclusive. Pourtant, la fonction résidentielle s’explique difficilement du fait de la proximité du château royal voisin. Peut-être que le nouveau seigneur, imposé à la population par le traité de Brétigny, a cherché à s’isoler du reste de la ville. À moins que, au contraire, il ne cherchât à affirmer sa puissance en construisant sa demeure contre l’entrée de la ville. Ces questions restent en suspens tant que les positions du rempart et du fossé ne sont pas clairement établies.
Une fois les Anglais chassés en 1369, le château, resté à l’état d’ébauche, paraît abandonné. Le silence des sources locales à ce sujet en donne le sentiment. Peut-être qu’une enquête dans les Archives Nationales en donnerait le contre-pied. Toutefois, les sources du début du XVIe siècle affirment cet état d’abandon, qui n’est d’ailleurs pas démenti par le roi. Après avoir servi de refuge aux brigands et aux prostituées, les ruines, dont le roi ne tirait aucun revenu, sont concédées en location aux consuls pour y construire leur maison commune. En quête de fonds, ceux-ci sous-louent les locaux et autorisent peu à peu des constructions qui empiètent progressivement vers la rue. Malheureusement, l’analyse archéologique peine à mettre en évidence cette occupation, arasée par la suite. Seules quelques reprises au deuxième sous-sol, quelques portions de parements et éventuellement des portes au premier sous-sol peuvent lui être attribuées. De même, les sondages dans la cour ont révélé des niveaux de piétinement de la fin du Moyen Âge ou du début de l’époque moderne, mais ils n’ont pu être mis en relation avec aucune structure bâtie.
Épousant la foi protestante, Montauban se trouve menacée, en particulier sous Louis XIII, désireux de rétablir l’unité religieuse du royaume. Les habitations sont alors converties en place d’armes, les salles voûtées semi-enterrées étant remblayées pour permettre la création d’un boulevard, certes improvisé, mais mis en œuvre avec application. Celui-ci est achevé en 1621 et résiste au siège de la même année. Le site – appelé alors « château Renaut », à cause d’un personnage légendaire – apparaît sur les gravures du milieu du XVIIe siècle illustrant le siège, comme un bâtiment oblong hérissé d’échauguettes et de mâchicoulis et couronné d’une toiture aiguë. Plusieurs incohérences incitent à la prudence, voire à la circonspection face à ces représentations, mais elles demeurent le seul témoignage illustrant le bâtiment à cette époque, l’étude du bâti ne pouvant révéler ces maçonneries, sans doute déjà détruites lors de la construction du palais épiscopal.
Malgré son homogénéité apparente, l’analyse des élévations du premier sous-sol de ce nouveau palais a permis de mettre en évidence quatre à cinq phases de construction, qui révèlent des changements de parti au cours même du chantier (fig. d). Celui-ci s’achève par la construction des pavillons nord et est ; la construction de la chapelle, aux premier et deuxième étages, à cheval entre le pavillon nord et l’aile nord-ouest, paraissant en être l’ultime aménagement d’importance. Vendu comme bien national en 1791, converti en hôtel de ville, puis progressivement en musée, les modifications et restaurations des XIXe et XXe siècles ont considérablement modifié la perception d’un palais autrefois très cloisonné et aux nombreux sols carrelés de briques.
À travers ces sept siècles d’histoire, au delà du – ou plutôt des – bâtiment(s), c’est l’histoire d’une parcelle qui se dessine. Située à l’entrée de la ville, au débouché du pont fortifié, toujours isolée des autres moulons, cette partie de la ville est hautement stratégique. Pourtant elle semble délaissée pendant un siècle et demi. Cela pose non seulement la question du sentiment d’insécurité à l’extrême fin du Moyen Âge, mais peut-être aussi celle de la position du bâtiment construit dessus par rapport au rempart : pour que cette partie de la fortification soit négligée, sa participation réelle aux défenses de la ville à cette époque est à clarifier. Enfin, l’aspect « pointilliste » de cette étude, contraint par la présence d’enduits ou de collections devant les murs, invite à poursuivre ces investigations. L’engagement de travaux, précédés d’études complémentaires de détail et accompagnés d’un suivi archéologique, en présentent – au-delà de l’opportunité – une nécessité.
Mélanie CHAILLOU
2011 – Assainissement, façade sud-est
L’opération menée le long de la façade sud-est du Musée Ingres a eu lieu entre les 26 et 30 septembre 2011. Elle s’inscrit dans le cadre d’un projet d’assainissement des façades du musée par l’installation de drains.
Le Musée Ingres était anciennement le palais épiscopal de Montauban édifié dans le courant du XVIIe siècle. Il est vendu comme Bien National en 1791 et sert ensuite successivement d’Hôtel de Ville, de tribunal, de bibliothèque et de réserve pour la société archéologique du Tarn et Garonne mais également de musée pour les collections archéologiques et notamment pour entreposer et exposer les dons d’œuvres qu’a fait Ingres de son vivant à la ville de Montauban. C’est au cours du XXe siècle que la fonction de musée prend le pas sur toutes les autres.
Ce suivi s’est effectué le long d’une tranchée localisée depuis la rue de l’Hôtel de Ville et atteignant le premier palier de l’escalier. Elle mesure près de 12,50 m de long pour seulement 1,50 m de large et permet ainsi de disposer d’une une fenêtre de presque 19 m2 propices aux observations. Cette surveillance archéologique complète le bilan dressé lors de la mission effectuée en 2010 (voir ci-dessus, M. Chaillou). La problématique de cette opération était de documenter le passage entre le pavillon et les bâtiments de l’orangerie et des écuries qui sont localisés le long de cette façade et dont on connaît l’axe d’implantation. Les écuries sont séparées du palais épiscopal par un couloir formé des murs de deux bâtiments qui ne sont pas alignés. Les bâtiments qui occupaient l’espace formant aujourd’hui la placette ont été détruits entre le milieu du XIXe siècle et le début du XXe siècle.
De nombreux vestiges bâtis sont apparus lors de l’ouverture de la tranchée. des traces d’un escalier ancien, peut être associé à une calade, existaient encore, reposant sous l’actuel. Dans l’angle ouest de la tranchée, à hauteur du premier palier de l’escalier, un conduit d’évacuation de latrines de confection soignée a été mis au jour. Des arases de murs sont apparues à peu près au centre de la tranchée. Les orientations de ces murs présentent des similitudes avec l’axe connu des murs de des écuries qui sont encore visibles sur le plan cadastral du XIXe siècle. Ces vestiges sont en rapport avec une porte bouchée visible dans la façade sud du palais. La porte devait donner accès aux écuries. Au moment du décapage de la seconde moitié de la tranchée, la pelle mécanique a écrêté une voûte révélant la présence du collecteur des latrines du palais. Celui-ci déborde en partie sous la place. Cet espace dégagé est composé d’une pièce rectangulaire, d’un couloir relativement étroit au sol accusant un fort pendage et d’un autre conduit d’évacuation dont l’extrémité communique sous l’escalier actuel, au bas de la place Desnoyer. L’étude de chaque maçonnerie composant cet espace a montré qu’elles participaient d’un même programme architectural. La comparaison avec les résultats de l’étude faite lors de la campagne de 2010 a permis de recaler chronologiquement la phase d’élaboration de ce programme. Cette pièce aurait été prévue dès la construction du pavillon sud-est, qui s’étale entre 1664 et 1679, au moment de l’édification du palais épiscopal.
Christophe CALMÉS