Fiche
Résumé
Une propriété située dans la ville de Mauléon est communément appelée « logis Saint Mélaine ». Elle comprend actuellement une habitation, des dépendances et des parcelles de jardins encloses d’une portion de muraille, laquelle est doublée d’une terrasse et flanquée d’une tour (fig. a). D’après le plan cadastral de 1812, ces terrains étaient auparavant occupés par une église dédiée à Saint Mélaine avec probablement son cimetière ainsi que quatre bâtiments dont un supposé être le presbytère (fig. b). Compte tenu de ce potentiel archéologique, les propriétaires ont souhaité bénéficier d’une expertise de l’ensemble afin d’anticiper sur un projet d’aménagement et de valorisation des extérieurs. Dans ce cadre, ils ont accepté l’intervention des bureaux d’études ULR Valor et Hadès. Le premier a réalisé une prospection géophysique, soit 2800 m² en imagerie électromagnétique et 1800 m² en imagerie électrique. Le second a eu pour mission d’effectuer un relevé topographique, une analyse très sommaire des élévations extérieures (1 jour) et des sondages (3 jours). La rédaction du rapport d’opération archéologique a été partiellement confiée à une étudiante, Camille Marguerite, dans le cadre d’une formation professionnelle. Elle a notamment rédigé une synthèse historique à partir de la documentation fournie par les propriétaires et Yves Maudet, secrétaire archiviste du bureau de recherches Historiques et Archéologiques de Mauléon. La plus ancienne mention du toponyme Mauléon serait celle du castellum de Maloleone issue d’une charte rédigée vers 1080. L’église Saint Melaine est citée pour la première fois en 1179, dans une bulle de confirmation émise par Alexandre III en faveur de l’abbaye de Saint Jouin de Marnes. Les sources sont insuffisantes pour attester son statut d’établissement paroissial avant le XIVe siècle. À ce titre, elle n’apparaît pas dans le partage des territoires paroissiaux, objet d’un jugement de l’évêque de Poitiers rendu le 2 juillet 1149. Initialement, elle pourrait donc correspondre à une chapelle associée à la « motte de Mauléon », un siège de châtellenie également appelé « Fief l’Évêque », distinct du château de Mauléon (fig. b). En effet, d’après un témoignage du XVIIIe siècle, le fondateur de l’église serait Guillaume de Belleville, seigneur des Deffends et de Mauléon. Cette source est réfutée par les historiens car elle situe la fondation au Xe siècle. Or, seule la datation semble contestable. Guillaume de Belleville est probablement le chevalier présent en 1296 aux côtés de Jeanne de Châteaumur, dite de Belleville, veuve et héritière de Geoffroy de la Flocellière. Il est sans doute un parent direct de Maurice de Belleville, seigneur de La Garnache, Montaigu et « Fief l’Évêque » lequel, en raison de ce dernier titre, est tenu de porter Arnaud d’Aux lors de sa prise de possession du siège épiscopal en 1307. Par son acte de fondation, Guillaume de Belleville se positionnerait alors dans la lignée des seigneurs de la Flocellière dont la présence à Mauléon se manifeste dès le XIe siècle par la fondation de l’abbaye de la Trinité. À l’issue de nos recherches, la relation entre les évêques et la famille de la Flocellière reste encore à démontrer. Toutefois, suivant ce raisonnement, l’occupation du secteur de Saint Melaine serait soumise voire peut être initiée par le pouvoir épiscopal. La documentation offre peu d’indices sur l’origine des droits épiscopaux à Mauléon. Selon certaines sources, la « motte de Mauléon » relèverait de l’évêque « à cause de sa seigneurie de Celle l’Evecault ». Ici, l’hypothèse d’une confusion avec Champtoceaux en Maine et Loire est privilégiée. Elle est étayée par le fait que de nombreux historiens du Poitou ont répété l’erreur lorsqu’ils ont interprété Celle l’Evecault comme une pérennisation du Sellense castrum ou castrum Celsum cité par Grégoire de Tours. Or, avant d’intégrer le diocèse de Nantes, Champtoceaux était le siège d’un évêché temporaire détaché du diocèse de Poitiers. Trois siècles plus tard, l’appartenance de Mauléon et Champtoceaux au pagus de Tiffauges ajouterait encore du crédit à cette hypothèse puisque selon un acte de Charles le Chauve daté de 848, ce territoire est sous l’autorité de l’évêque de Poitiers. Ainsi, la châtellenie de « Fief l’Évêque » pourrait résulter d’une occupation de Mauléon à une période où Champtoceaux est encore dépendant du diocèse de Poitiers. Les sources relatives à l’église Saint Mélaine n’offrent aucune description des lieux avant des visites réalisées par le doyen de l’église Saint Laurent sur Sèvre en 1662, 1678, 1689 et 1697. Lors de la première, la nef et le chœur sont en très mauvais état et menacent ruine. Plus aucun service n’est effectué. La fonction paroissiale est alors assurée par l’église de la Sainte-Trinité. Deux autels sont mentionnés. Les deux visites suivantes réitèrent le constat du mauvais état du bâtiment. des travaux semblent effectués avant la dernière visite car son procès-verbal mentionne une église « en assez bonne état, blanchie et pavée». Aucun autre bâtiment, ni aucun cimetière n’est mentionné avant des actes de vente de 1810. À cette période, l’ancienne cure de Saint Mélaine correspond au bâtiment situé à l’emplacement de l’actuelle habitation.
Le bâtiment voisin aujourd’hui disparu appartient à M. Cousseau Lepinay. Il est qualifié de « maison de la Motte ». Aucun écrit n’évoque l’existence d’une enceinte défensive, aussi bien à la période médiévale que moderne. de même, les deux constructions ruinées figurées par des parcelles jaunes en 1812 restent non identifiées. Les résultats de la prospection géophysique se sont avérés déroutants. La cartographie électromagnétique n’a fait apparaître que des conduites d’eau métalliques. Les zones de fortes résistivités de la cartographie électrique correspondent aux affleurements rocheux. Aucune structure bâtie n’a été mise en évidence. Les sondages permettent d’expliquer cette absence. D’importants terrassements précédant l’aménagement des jardins ont supprimé toutes les traces d’occupation, y compris les fondations des édifices. Quelques ossements épars témoignent encore de la présence de sépultures, mais toutes sont perturbées. L’analyse des élévations n’apporte guère d’informations supplémentaires. L’ancienne cure conserve des baies aux modénatures caractéristiques du XVIIe siècle. La construction de l’édifice pourrait éventuellement être contemporaine de la restauration de l’église suggérée par les sources entre 1689 et 1697. Dans leur état actuel, les murailles et la tour en flanquement ne peuvent pas être véritablement datées (fig. c). Leur apparente homogénéité avec une probable terrasse d’artillerie inciterait à considérer l’ensemble comme une fortification bastionnée de l’époque moderne. Dans ce cas, celle-ci serait peut être établie à la fin du XVIIIe siècle, dans le contexte des guerres de Vendée. L’absence de tour à l’extrémité nord est de la parcelle impose d’envisager deux possibilités : la destruction de cette portion d’enceinte est antérieure à 1812 ou la tour est initialement associée à celle disparue à quelques mètres de distance au sud. Toutes deux pouvaient alors constituer un châtelet encadrant une entrée abritée par une demi-lune triangulaire. En conclusion, l’interprétation de Saint Melaine comme une chapelle castrale transformée en église paroissiale et la désignation d’une habitation disparue comme « maison de la Motte » contribuent à associer l’ensemble au site castral voisin dénommé « Fief l’Évêque ». Il pourrait en partie correspondre à l’emprise d’un bayle. des recherches historiques complémentaires semblent indispensables pour mieux comprendre les relations entre l’évêché de Poitiers et la famille de la Flocellière. Sur le terrain, une analyse de bâti plus approfondie permettrait éventuellement de mieux identifier l’enceinte et la tour. Enfin, une étude des parcelles occupées par la motte apporterait sans doute une meilleure considération de cette entité castrale oubliée au sein de l’espace urbain de Mauléon.
Patrick BOUVART