Fiche
Résumé
Propriétaire d’un ancien moulin hydraulique bâti sur la berge gauche de la Garonne, la municipalité de Roques sur Garonne a décidé de consacrer ce lieu à un vaste centre culturel à l’intérieur duquel un espace sera dédié à l’histoire de l’édifice et des techniques ayant trait à la minoterie. C’est dans ce cadre, que la municipalité a fait appel au bureau d’études archéologiques HADÈS afin que soit réalisée une étude d’ensemble du moulin avant les travaux de réhabilitation.
Du moulin à nef au moulin terrier Succédant à un moulin à nef (moulin « au fil de l’eau » sur la Garonne) mentionné dans les textes à la fin du XVIIIe siècle et dans la première moitié du siècle suivant, le moulin terrier de Roques est projeté en 1845 et vraisemblablement construit à partir de 1847. Il appartient alors à Arnaud Dubernet.
De plan presque carré, l’édifice est entièrement élevé en brique, avec des murs épais au niveau inférieur lui assurant ainsi une bonne stabilité. Le plan simple et la construction reprennent une tradition d’édifice déjà fréquente au Moyen Âge, avec ses ouvertures en plein cintre sur le canal d’amenée en amont et le canal de fuite en aval.
Bien que modifié par la suite, dans ce premier état le moulin ne semble comporter que deux niveaux, la salle de meunerie étant située au rez-de-chaussée. Un certain souci d’esthétique se manifeste par l’utilisation de la pierre pour les fenêtres avec leur appui mouluré et le linteau de la porte d’entrée au rez-de-chaussée. Celui-ci, datable de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle, est un élément en réemploi dont le monogramme chrétien IHS suggère que le meunier invoque ici la protection de Dieu afin sans doute que son moulin soit préservé des inondations.
La maison du meunier se situe alors de l’autre côté du chemin communal. C’est dans les années 1852 1865 que les nouveaux propriétaires la famille Delpech construisent un nouvel édifice de grande ampleur qui englobe le moulin primitif. La présence du chemin communal nécessite la construction d’un passage couvert traversant le rez-de-chaussée. de conception classique, ce vaste édifice forme un grand corps rectangulaire à trois niveaux. Le logement et le lieu de travail ne font plus qu’un. À l’extrémité sud est, se trouve le moulin proprement dit avec la salle de meunerie toujours en rez-de-chaussée, le logement du meunier occupant le reste de ce rez-de-chaussée ainsi que tout l’étage. Enfin un vaste grenier en comble complète l’impression de grand bâtiment industriel. Les sources historiques font d’ailleurs mention dans les années 1880 d’une usine et non plus d’un moulin. La nouvelle construction est cependant réalisée à l’aide de matériaux plus économiques tels que les galets et la brique crue. La pierre de taille est usitée ici avec plus de parcimonie, parfois seulement évoquée par un badigeon blanc, et la moulure disparaît des appuis. Cette vaste bâtisse s’intègre parfaitement dans le paysage local avec son toit à quatre pans.
C’est manifestement la grande inondation de 1875 qui marque la fin du moulin de Roques, ensuite transformé en logements. Enfin, au milieu du XXe siècle on détruit l’extrémité nord-ouest du bâtiment, amputant ainsi l’édifice d’un tiers de sa longueur.
L’évolution des éléments techniques du moulin La confrontation de l’ensemble des données permet d’affirmer que le système hydraulique du moulin de Roques se modifie au cours du temps. À l’origine, le moulin est doté de deux rouets horizontaux et d’une roue verticale. Ce système permet alors de faire fonctionner quatre paires de meules situées au rez-de-chaussée du moulin.
Guidés par un souci de rendement, les nouveaux propriétaires vont améliorer le système avant l’année 1865. Celui-ci, parfaitement connu grâce aux plans et relevés conservés aux archives départementales de la Haute Garonne, montre que la roue verticale est remplacée par un rouet horizontal en cuve à l’instar des trois autres situés dans la partie attenante à l’ouest. Ce procédé n’est pas nouveau puisqu’il est très fréquent dans le Sud-Ouest-dès le Moyen Âge. Une chambre à rouet horizontal du XIVe siècle est conservée à Loubens en Gironde. Ce conservatisme reflète les qualités de ce dispositif. Les rouets, situés à l’intérieur de cuves, reçoivent une quantité d’eau dirigée grâce à des buses et des vannes qui, même si le niveau de l’eau fluctue (bas ou haut), permet d’assurer un fonctionnement minimum du dispositif. En 1865, les paires de meules sont toujours au nombre de quatre, mais leur rendement doit être supérieur à celui connu pour 1847.
Le rouet à cuve est un précurseur de la turbine dont la présence est attestée ici en 1873. Le nombre de paires de meules est passé à cinq et l’état actuel du niveau inférieur paraît indiquer un changement dans l’organisation de cette partie du moulin. Un muret parallèle aux murs du grand espace du moulin est en effet ajouté après 1865 comme l’attestent les sources historiques et l’analyse du bâti test sans doute à mettre en relation avec l’arrivée de la turbine dans les lieux.
Ainsi, au cours de cette seconde moitié du XIXe siècle, le moulin de Roques montre-t-il trois états successifs de la technique de meunerie : • 1845 : rouets encuvés encore assez proches des rouets volants et roue verticale, probablement à faible rendement.
• 1865 : 4 rouets modernes enfermés dans des cuves solidement construites et bien ajustées.
• 1873 : turbine (roue mobile à pales tournant sur une roue fixe à aubes directrices) pouvant entraîner plusieurs paires de meules).
La nature du comblement en vase gorgée d’eau du canal n’a pas permis la réalisation d’un sondage archéologique. de ce fait, il est aujourd’hui difficile d’apprécier le niveau de sol d’origine et de préciser certaines dispositions qui pourraient encore être en place. La confrontation des données permet cependant de donner une vue générale des bâtiments du moulin terrier de 1847 au moment de sa réalisation et de montrer une évolution des procédés utilisés liée à celle de la production.
Sandrine Conan, Claude Rivals et Marc Salvan Guillotin
Sandrine CONAN, Claude RIVALS, Marc SALVAN GUILLOTIN