HADÈS Archéologie

Lacaouterrain Forgues

Fiche

  • Responsable : Yann HENRY
  • Période de fouille : 2007
  • Localité : Billère (Pyrénées-Atlantiques)
  • Type d’opération : 
  • Période : 
  • Agence : ATLANTIQUE

Résumé

La fouille préventive de Lacaou Terrain Forgues s’est déroulée sur la commune de Billère, limitrophe de Pau, (Pyrénées Atlantiques) durant l’hiver 2007. Elle prend place dans le cadre des travaux d’urbanisation du secteur sud est du territoire communal, traversé par la voie du nouveau contournement nord sud de la ville. Le sous-sol des parcelles 4p, 6p et 201, objet de l’exploration archéologique, était voué à une destruction par la mise en place d’une zone pavillonnaire (sous la maîtrise d’ouvrage de la société Edifico) et, dans sa partie méridionale, par le passage d’une bretelle d’accès menant au contournement. Les vestiges archéologiques sont localisés sur le rebord d’une terrasse alluviale marquant l’extrémité méridionale du Pont Long, à proximité d’une combe qui débouche sur la vallée du Gave de Pau. Compte tenu des résultats recueillis lors du diagnostic (Chopin 2005), cette opération s’était fixée pour principal objectif la caractérisation d’une occupation inscrite dans une fourchette centrée sur le Haut Empire (1er et 2eme siècles ap. J. C.), matérialisée par une aire dite « de galets jointifs » associée à divers types de structures en creux (trous de poteau, fosses, fossés). Malgré des conditions climatiques particulièrement défavorables, fortement accentuées par la nature argileuse et imperméable du substrat (très fortes pluies, remontées permanentes de la nappe phréatique, impossibilité d’assainir l’emprise autrement que par le creusement de puisards et l’utilisation d’une pompe branchée à un groupe électrogène), les résultats de l’opération complètent de façon significative les découvertes faites auparavant sur la parcelle adjacente (site du Vallon de Mohédan, Chopin 2003), les deux sites s’intégrant dans un ensemble chronologiquement et morphologiquement homogène. Les deux premières semaines de l’intervention (qui en comptait sept au total) ont été consacrées au décapage extensif de la terre arable sur une surface de plus de 6000 m2 (zone carrée de 80 m de côté), afin d’ouvrir une large fenêtre d’observation. La fouille a confirmé, en la précisant, la chronologie du site, occupé depuis le Principat jusqu’à la fin du IIème siècle ap. J. C. Hormis des fossés rectilignes repérés en diagnostic, qui correspondent à des drains sub contemporains, la totalité des structures identifiées se rattache à l’occupation antique et se cantonne dans le tiers ouest de l’emprise. Elles consistent en une centaine de structures en creux fortement écrêtées par les labours. La disparition systématique des niveaux d’occupation associés à ces excavations n’a cependant pas trop altéré la lecture de leur organisation spatiale. On distingue d’abord une série de fosses sub circulaires d’un diamètre parfois important (jusqu’à plus de 2 m). D’après leurs profondeurs, trois d’entre elles correspondent à des puisards ; toutes les autres sont des fosses (de stockage ?) parfois comblées en tant que dépotoirs. L’une d’entre elles a livré énormément de débris de céramique commune et soulève l’hypothèse d’un habitat proche, cependant hors de l’emprise étudiée.

La mise en évidence d’une petite structure de combustion remplie d’éclats de quartzite thermofractés porte le témoignage d’une activité domestique sans doute pratiquée dans le cadre d’une occupation temporaire.

La fouille a également révélé l’existence de nombreux trous de poteaux circulaires, la plupart du temps aisément identifiables grâce à la présence d’éléments de calage en gros galets de quartzite retrouvés en place au fond ou contre les parois du creusement. La proximité et l’alignement de plusieurs d’entre eux autorisent même à restituer plusieurs plans de bâtiments, notamment un grenier aérien de plan carré. La plupart des vestiges énumérés précédemment s’organisent autour d’un autre ensemble bâti, lequel constitue l’aménagement le plus « spectaculaire » du site. Il se présente sous la forme d’une aire de galets de quartzite aux dimensions importantes (31 x 10,80 m) et mobilise des blocs dont le module parfois très important indique que la plupart sont exogènes au site (probablement récupérés dans le lit du Gave, distant de plusieurs kilomètres). Directement sous cet horizon, la fouille a révélé la présence d’une vingtaine de trous de poteau. L’analyse stratigraphique et la corrélation planimétrique très nette observée entre les alignements de trous et l’extension des galets plaident en faveur d’une construction mixte associant des parois de bois renforcées par des murets de pierres sèches, que l’on retrouve sous forme d’effondrements. Mais l’interprétation de l’ensemble reste cependant malaisée : les alignements de poteaux dessinent un voire même deux plans de petits bâtiments (BAT 1sud, BAT 1nord), ouverts à l’est, au sein desquels les aménagements domestiques sont totalement absents. Les assemblages céramiques recueillis sur le site, la plupart du temps rejetés dans des fosses, indiquent le statut social modeste des occupants mais ne révèlent aucune spécialisation de l’occupation. A ce stade de l’étude, aucun élément archéologique ne permet donc de préciser la fonction de ces bâtiments. Si leur rusticité les rapproche, sur de nombreux points, de certains sites interprétés comme des établissements pastoraux saisonniers (Réchin 2000), et si, d’autre part, la lande marécageuse du Pont Longest traditionnellement utilisée pendant l’hiver comme zone de pacage pour les troupeaux depuis le Moyen Âge au moins (Cavaillès 1931), il est légitime de réfléchir à l’hypothèse d’installations en liaison avec l’élevage. Dans la problématique touchant à l’occupation du sol dans la frange béarnaise du piémont pyrénéen pendant l’Antiquité et, plus spécifiquement, à l’impact de l’élevage sur le peuplement de la plaine du Pont Long, le site de Lacaouest loin de livrer tous ses secrets. La faute sans doute à un état de conservation défavorable ; la faute surtout à la fugacité de ce type de vestiges et aux difficultés qu’entraîne toute tentative d’interprétation. Pour autant, le bilan de l’opération se révèle largement profitable. D’une part, parce qu’il est désormais acquis que ces vestiges et ceux mis au jour en 2003 lors de la fouille du contournement nord sud « vallon de Mohédan » correspondent à un seul et même établissement. Ensuite, parce que l’analyse des vestiges permet à terme de pointer une série de caractéristiques ‑ architecturales, fonctionnelles, chronologiques qui sont autant de traits communs aux différents campements pastoraux mis au jour dans cette fraction de l’Aquitaine méridionale depuis quelques années. Ce rapprochement avec les sites dits pastoraux tient au fait que le site dispose d’installations favorables à la présence de bêtes, (puisards, probables silos excavés, et de façon plus hypothétique grenier aérien et mare asséchée) sans toutefois être pourvu des structures que l’on associe généralement à un habitat permanent. Cela étant, il convient d’insister sur d’autres particularités – la solidité et le caractère visiblement pérenne des installations, le nombre et la variété de fosses excavées dans le sol – qui confèrent à cet établissement une image moins précaire et mieux structurée que d’ordinaire, du moins en apparence ; tout cela suggère l’idée d’un statut peut être intermédiaire, à mi-chemin entre le campement pastoral de faible standard et l’habitat rural permanent, de type ferme indigène.

Au bilan, la vision offerte par la réunion des deux fouilles revêt un caractère inédit. Par son caractère extensif, elle est propre à enrichir notre connaissance des campagnes de la cité des Vernani et, en élargissant la typologie des campements et des exploitations rurales qui parsèment et structurent le paysage antique, de compléter le tableau de l’occupation du sol sur cette frange du piémont pyrénéen.

Yann HENRY