Fiche
Résumé
Le prieuré Saint-Hilaire est situé au sud-ouest de la ville de Melle, sur la rive droite de la Béronne. Les bâtiments monastiques ont totalement disparu. L’église est la seule construction médiévale subsistante. Depuis 2010, son chevet fait l’objet de travaux de restauration et de valorisation dirigés par le cabinet d’architecte Marie-Pierre Niguès. En 2013, les investissements sont portés sur les extérieurs. L’objectif est d’aménager un accès pour les personnes à mobilité réduite. La proposition de sondages et suivi archéologique du bureau d’études Hadès se compose alors de deux tranches, une ferme et une conditionnelle. La tranche ferme compte seulement 3 jours de terrain à un archéologue pour une surveillance de terrassements autour du chevet. La tranche conditionnelle anticipe la mise au jour de sépultures ou de contextes archéologiques complexes. Une équipe est prévue en renfort. à l’issue des trois jours, l’importance et l’altimétrie des structures découvertes incitent les élus de Melle, Yves Debien, maire et Jacques Pineau, adjoint en charge de l’urbanisme, à enclencher immédiatement la tranche conditionnelle.
Au final, l’intervention renseigne les sépultures d’un minimum de 23 individus dont 3 sarcophages, 5 caissons à logette céphalique composée ou monolithe, une inhumation en pleine terre et un coffre ossuaire. Elle est également l’occasion de la découverte d’un mur, M16, en moellons à tête dressée de grand appareil. Sa construction est antérieure à l’église romane. L’ensemble des connaissances réunies et une révision des sources écrites permettent de retracer une partie de l’histoire du site de Saint-Hilaire de Melle en 9 phases.
Aucune structure ou couche d’occupation ne semble antérieure au haut Moyen Âge. Toutefois, cette remarque n’est pas un constat définitif étant donné les limites physiques de nos investigations. Une continuité ou une réoccupation d’un éventuel contexte funéraire gallo-romain est toujours envisageable. Sur la question, rappelons que seul le linteau de la porte P1 est considéré comme un remploi antique (fig. 1). Les traces de marteau taillant observées sur le parement en grand appareil de M16 ne constituent pas des indices spécifiques à une période. L’éventualité de remplois antiques ne peut être totalement écartée.
La découverte de trois cuves de sarcophages trapézoïdaux (Sep 1, 13, 19) renouvelle totalement notre perception de l’occupation de ce secteur de Melle et surtout, de l’origine de l’aire funéraire médiévale (phase I). Selon une datation par analyse radiocarbone, la sépulture 19 serait installée entre 553 et 648 avec 95 % de probabilité. La mauvaise conservation des sujets n’autorise aucune conclusion sur le statut de ces défunts. Ceux-ci formeraient éventuellement un groupe, si on considère leur disposition en éventail (fig. 2). Le mode de couvrement des sarcophages et l’environnement ne peuvent être restitués.
Dans une hypothétique phase II, les individus des sarcophages 1 et 19 sont chacun associés à un immature. Il ne s’agirait pas de sépultures doubles. Une chronologie relative est assurée dans le deuxième cas par l’interposition d’une couche sédimentaire. La pratique serait peut-être réservée à une certaine classe d’âge. Les données sont insuffisantes pour tirer de réelles conclusions sur l’évolution de l’espace funéraire. Le fait est antérieur au mode de sépulture en caisson à logette composée.
La chronologie relative de la phase III n’est pas assurée. Aucune relation ne peut être établie avec les contextes funéraires évoqués précédemment. Le mur M16 apparu au bord de la Béronne est assurément antérieur au bras de transept de l’église Saint-Hilaire (fig. 3). Les contextes sédimentaires observés de part-et-d ’autre suggèrent un espace intérieur au nord. La dimension des blocs et la qualité des parements sont des arguments en faveur d’un édifice de grande ampleur. La méconnaissance du plan limite les possibilités d’identification. L’hypothèse privilégiée serait celle de l’église primitive Saint-Hilaire. Les sources écrites attestent son existence avant la seconde moitié du XIe siècle voire peut-être un siècle plus tôt. En effet, une révision des sources éditées suggèrerait une fondation sur un alleu comtal. L’interprétation ne peut être étayée ; la structure ne bénéficie d’aucun indice de datation.
Un coffre ossuaire est installé avant l’abandon du sol intérieur de l’édifice attribué à la phase III. L’architecture funéraire serait initialement un sarcophage destiné à un enfant. L’absence d’os de cette catégorie d’individu remet en cause l’hypothèse d’un remploi. Le dépôt secondaire de deux à trois individus pose la question de leurs origines (phase IV). La datation radiocarbone de l’un d’entre eux donne une probabilité de 95 % sur la période comprise entre 1039 et 1215 avec 68 % dans une fourchette 1048-1189. Notons que cette estimation comprend autant de probabilité (29 %) pour les périodes 1048-1087 que 1149-1189. En ce sens, il est tout à fait possible que le dépôt secondaire résulte d’une exhumation de sépultures lors des travaux de construction de l’église romane. L’édifice de la phase III est peut-être déjà désaffecté mais pas encore totalement détruit.
En phase V, l’abandon et la destruction de l’édifice établi en phase III ne sont marqués par aucune accumulation de gravats de couverture, ni même de maçonnerie. Il s’agit vraisemblablement d’une démolition méthodique avec une récupération systématique des matériaux.
La fouille n’a apporté aucune information chronologique supplémentaire sur la construction du chevet de l’église (phase VI). L’état des connaissances maintient l’hypothèse d’un chantier débuté dans les deux dernières décennies du XIe siècle et en partie achevé avant 1109. Le reste de la chronologie relative de l’église reste à vérifier.
La typologie d’une série d’inhumations (phases VIIa et b) est ensuite comparable à celle mise en évidence par Bernard Farago-Szekeres lors de la fouille du cimetière de Petit Bois à Saint-Martin-les-Melle. Suivant les résultats de cette étude, la sépulture 17 caractérisée par un « coffre à logement céphalique composé » serait a priori antérieure à la série de « coffres à logette monolithe ». Au sein de ce second corpus figurent deux des formes d’évidements repérées par l’anthropologue : circulaire et ovoïde. La datation par analyse radiocarbone de la sépulture 20 à logette circulaire et cupules situe l’inhumation dans la période 1025-1160 avec une probabilité plus importante dans la première moitié du XIIe siècle. L’emprise des fouilles n’autorise aucune interprétation relative à l’organisation de l’espace sépulcral au cours de cette phase. La relation avec la porte P1 du bras de transept nord reste difficile à établir.
Le remploi de certaines tombes établies en phase VII atteste une certaine continuité des pratiques funéraires, probablement jusqu’à la période moderne. Toutefois, le fait semble très occasionnel (phase VIII). L’impression découle peut-être des modalités de fouille, mais trois autres raisons sont à envisager. L’espace sépulcral a pu être déplacé vers l’ouest, là où le cimetière est signalé en dernier lieu. L’aménagement d’un charnier mentionné au XVIIe siècle a pu limiter la multiplication et les recoupements des tombes. Enfin, les inhumations ont pu prendre place dans les remblais accumulés devant la façade nord et évacués lors des travaux du XIXe siècle.
Enfin, les gravats superficiels et des perturbations observées en fondation de l’église romane seraient attribuables à des travaux de restauration (phase IX). Il s’agit très certainement des campagnes menées par l’architecte départemental Pierre Théophile Segrétain.
Patrick BOUVART