Fiche
Résumé
Le Domaine de la Verrerie de Carmaux se situe dans la commune de Blaye-les-Mines, au nord du département du Tarn et au sud des derniers contreforts du Massif Central. Il est aujourd’hui une propriété publique qui accueille un musée et centre d’art du verre dans le bâtiment de la verrerie/orangerie (fig. 1), et différents services de la communauté de communes du Carmausin Ségala dans une demeure et son annexe. L’ancienne chapelle est quant à elle utilisée comme atelier de verrier. La terrasse avec ses deux volées d’escalier est le seul vestige visible du château qui s’élevait dans la cour au XIXe siècle (fig. 2). L’ensemble n’est pas protégé au titre de Monument historique, malgré son caractère patrimonial indéniable. Ces édifices qui sont antérieurs à la première guerre mondiale ont en effet fait partie du Domaine de la Verrerie pendant son fonctionnement jusqu’à sa transformation en demeure d’agrément. Ils constituent ainsi la source première de nos connaissances, dont l’étude a été commandée par la communauté de communes du Carmausin-Ségala. Elle se compose d’une phase de jours d’investigations de terrain centrée sur le soubassement de la verrerie (fig. 3) et 15 jours d’analyse archivistique et de post-fouille.
La Verrerie de Carmaux fait partie des verreries les plus connues dans le paysage industriel des XVIIIe-XIXe siècles ; néanmoins sa réalité monumentale est presque totalement ignorée aujourd’hui. Dès sa création en 1752, le site verrier de Carmaux est un projet ambitieux et novateur. C’est en effet la première manufacture de bouteilles avec des fours fonctionnant au charbon de terre en Languedoc. La production de la verrerie royale de Carmaux est ainsi essentiellement spécialisée dans la « frontignane », logiquement destinée à la production viticole du Languedoc, et dans les « pintes de Paris », mesure réglementaire qui s’impose nettement à partir du XVIIIe siècle. Les débouchés sont majoritairement locaux puisqu’à la fin du XVIIIe siècle, on relève des ventes à Toulouse, Gaillac, Albi et Rodez et au XIXe siècle à Réalmont, Villefranche, Revel et Castres, outre les ventes à la verrerie.
Pendant le siècle de production de la manufacture de Carmaux, il a aussi été choisi de domicilier toutes les activités nécessaires sur le Domaine de la Verrerie, en faisant un site multifonction (fig. 4). L’emplacement des halles est l’élément qui a le mieux subsisté dans le paysage et qui semble conditionner l’installation des bâtiments utilitaires sur le pourtour est, sud et ouest. Les élévations conservées dans le soubassement de la verrerie indiquent bien une production à deux fours avec des couloirs de tirage en croix. Ce type est observé dans d’autres verreries à charbon, à Trinquetaille et au Bousquet-d’Orb notamment. Il illustre un modèle commun, une « technologie » partagée et diffusée en partie par l’Encyclopédie.
Après la vente de la concession verrière en 1856 et l’arrêt de production au domaine avec la création de la verrerie Sainte-Clothilde à Carmaux en 1862, le site est entièrement redessiné.
Une nouvelle demeure, beaucoup plus vaste, est construite à l’emplacement de l’habitation du XVIIIe siècle (fig. 5). Elle est alors résolument tournée vers les jardins, rejetant à l’ouest les pavillons de service. À la fin du XIXe siècle, seul le soubassement des halles est conservé, une vaste orangerie a pris place à l’étage. L’aménagement du domaine reflète particulièrement la vocation d’agrément qui lui est donnée, avec l’installation d’une île artificielle, une glacière et un parc là où se trouvaient des terres cultivées et des puits à charbon.
La présente étude donne donc un nouvel éclairage sur le potentiel patrimonial conservé sur le site de la verrerie de Carmaux. Elle permet de préciser les techniques et les types de production de l’une des verreries majeures du sud de la France. Tout comme les travaux sur ses consoeurs de Trinquetaille ou du Bousquet-d’Orb, elle donne une meilleure image de ce siècle de production industrielle, et permet de mieux comprendre les transformations profondes qu’a subies le site. La tradition orale locale veut que les fours de la verrerie chauffaient les orangers en hiver. Bien que cela paraisse peu probable, cette idée illustre bien que dans la mémoire collective l’orangerie s’est superposée à la verrerie. Les grands aménagements n’ont donc jamais totalement effacé le passé industriel du site ; ils l’ont simplement transformé.
Léa GERARDIN