Fiche
Résumé
Dans le cadre d’un projet de restauration sur les bâtiments composant l’ancien couvent des Cordeliers à Saint-Émilion (inscrits sur la liste des Monuments Historique depuis le 6 mai 2005), la société Hadès a été chargée de réaliser une expertise archéologique sur les vestiges. Deux phases d’intervention ont été proposées. La première, objet du présent rapport, propose une évaluation des principales zones d’intérêt archéologique. Une analyse sommaire du bâti sur les espaces concernés par les travaux de restauration (bâtiment conventuel, cloître et cour d’entrée) complétée par des données sur les autres espaces (caves, chapelle et église) avec une proposition de phasage chronologique a été effectuée. Un suivi des travaux au cours des restaurations, sur la base d’un cahier des charges scientifique édicté par le SRA, est prévu dans une seconde phase.
Afin de mener à bien cette étude un relevé photogrammétrique par corrélation dense a été réalisé sur le bâtiment conventuel situé à l’est du cloître par la société Archéotransfert afin d’en obtenir une vue tridimensionnelle. Ce travail est complété par une orthophotographie sur la façade donnant sur rue.
L’analyse sommaire effectuée sur le bâti confirme que le couvent s’est implanté sur des vestiges antérieurs remontant à l’occupation civile datée de la fin du XIIIe siècle.
Il ne reste de cet habitat que la façade de trois maisons distinguées par les séries d’ouvertures en arc brisé et par les soupiraux de caves. Des témoins de la façade arrière de cet habitat ont pu être identifiés à la base du mur de la chapelle et sur le mur bordant la galerie ouest du cloître. L’installation des moines au milieu du XIVe siècle se matérialise dans un premier temps par l’édification d’une chapelle qui englobe les murs d’une ancienne maison. Une fois l’autorisation définitivement acquise en 1383 on peut penser que les travaux s’accélèrent avec la construction de l’église, du cloître et des bâtiments conventuels au cours du XVe siècle. La construction de l’église se fait au détriment du bâti civil qu’elle englobe et qu’elle transforme voire détruit comme pour l’installation de la façade occidentale. Le cloître se développe à l’est de la chapelle primitive. L’analyse du bâti a permis d’individualiser deux aménagements rectangulaires bouchés (anciens loculi ?) ainsi que le témoin d’une ancienne ouverture dans le mur bordant la galerie sud du cloître. L’étude menée sur bâtiment situé à l’est du cloître a permis d’identifier l’ancienne salle capitulaire avec son ouverture principale, une grande arcade en arc brisé, accessible depuis la galerie orientale du cloître. D’autres accès ont également été identifiés mais leur état de conservation ne permet pas de certifier leur datation. D’importants travaux affectent par la suite le couvent au cours du XVIe siècle. Les principaux changements concernent la construction d’une nouvelle galerie orientale du cloître entraînant l’obturation d’une baie géminée du mur gouttereau sud de l’église, et l’agrandissement du bâtiment bordant le cloître à l’est. de nouvelles ouvertures sont pratiquées (fenêtres à traverses) sur les façades. Ces travaux de rénovation permettent de soupçonner des modifications importantes dans le volume intérieur du bâtiment. Le couvent connaît une seconde phase de rénovation dans la première moitié du XVIIIe siècle. Ces travaux sont nettement perceptibles dans le bâtiment conventuel où toutes les baies à traverses sont condamnées au profit de fenêtres plus grandes. L’accès primitif à la salle capitulaire est condamné et le niveau de sol est surhaussé à l’occasion. De nouveaux accès sont aménagés et des murs de refend sont élevés modifiant la division interne du bâtiment. Le bâtiment est alors doté d’un système de chauffage avec l’installation de cheminées dans les différentes pièces. D’importants travaux sont également effectués avec la création d’une cour marquée par une entrée monumentale. L’étude du bâti démontre qu’il ne s’agit pas d’une création ex nihilo malgré l’effet harmonieux des portes et des oculi aménagés sur les façades nord et sud. Depuis l’expulsion des moines au lendemain de la Révolution, l’établissement se détériore très vite et devient une ruine « romantique ». Plusieurs travaux de restaurations ont par la suite été menés notamment avec la création dans les années 1970 de la salle Catherine fermant la première travée de l’église et des consolidations des arases de certains murs ont été effectuées.
La dernière campagne de travaux affectant le couvent au XVIIIe siècle est la plus importante et c’est celle que l’on peut en grande partie observer aujourd’hui notamment au niveau de la cour d’entrée et dans le bâtiment conventuel. Cependant plusieurs témoins antérieurs subsistent et ils ne doivent pas disparaître. Le futur projet de restauration devra prendre en compte les cinq siècles d’histoire de cet établissement conventuel et des préconisations s’imposent dès lors que les maçonneries ou le sous-sol sont affectés. Le suivi des travaux de restauration sera l’occasion de récolter des informations complémentaires notamment à travers des prélèvements de mortiers qui pourront être préconisés sur les maçonneries les plus significatives. Des sondages archéologiques pourront également être envisagés ponctuellement notamment pour vérifier l’existence de niveaux de sol primitif. Rappelons enfin que le couvent des Cordeliers est connu pour avoir accueilli dès son implantation de nombreuses sépultures. Une forte probabilité de découverte d’inhumations autour de l’église, dans le cloître ou encore dans l’actuelle cour existe. L’impact des travaux sur le sol devra être le plus minimal possible afin d’éviter leur dégagement, sinon de prévoir leurs fouilles systématiques selon les méthodes de l’anthropologie funéraire.
Natacha SAUVAÎTRE