HADÈS Archéologie

Le château

Fiche

Résumé

2011

Le château de Barbezieux se situe sur une plate-forme calcaire qui domine les vallées du Né et du Condéon, sur un axe de passage important entre Bordeaux et Angoulême. Le castrum de Barbezieux (Berbezilli castri) est mentionné pour la première fois entre 1027 et 1043 et sa fondation paraît liée au pouvoir qu’exercent alors les archevêques de Bordeaux dans ce secteur. Jusqu’au XVIe siècle, le château est le théâtre des nombreux conflits qui agitent la région. Le monument est partiellement détruit et largement transformé au cours du XIXe siècle, après avoir été vendu à la commune. Rétrocédé à la communauté de communes des 3B Sud Charente en 2004, l’édifice a fait l’objet depuis lors d’une étude historique et d’un diagnostic archéologique dans la continuité desquels s’inscrit la présente opération archéologique, en préalable à un projet de réaménagement et d’ouverture au public du site.

L’opération, réalisée en  début d’année 2011, a porté sur plusieurs parties du château, à l’exclusion du châtelet d’entrée nord est. Une étude archéologique du bâti complétée par une série de sondages a permis de préciser la chronologie du site.

Les phases d’occupation les plus anciennes sont caractérisées par la présence éparse de mobilier céramique daté des périodes protohistoriques et antiques, retrouvé dans des niveaux de remblais argilo-limoneux qui semblent couvrir l’ensemble du promontoire. Ce mobilier, en position secondaire, atteste d’une occupation précoce du plateau, dont les traces archéologiques restent à découvrir.

Les premières traces du site castral sont attestées par un mobilier céramique daté des XIIe et XIIIe siècles ainsi que par un niveau charbonneux (incendie ou espace de circulation ?) daté par radiocarbone entre la première moitié du XIe et le début du XIIe siècle. À ces niveaux est associé, sans que l’on puisse préciser la chronologie relative des unes par rapport aux autres, un ensemble de structures en creux (trous de poteaux et silos) qui se répartissent sur l’ensemble des zones fouillées et qui s’apparentent à plusieurs aménagements similaires déjà identifiés lors du diagnostic réalisé par l’INRAP en 2009. Leur datation semble s’échelonner entre les premières phases d’occupation du site castral et les importantes transformations architecturales de la fin du XVe siècle.

L’aménagement architectural le plus ancien conservé en élévation est formé par l’ensemble de la courtine nord, qui relie un bâtiment attenant au châtelet d’entrée à une tour de flanquement au nord-est. Il s’agit d’une muraille haute d’environ 11,50 m pour une longueur de 46 m et une épaisseur comprise entre 2,15 et 2,25 m. Il s’agit vraisemblablement à l’origine d’une maçonnerie aveugle – recoupée au XIXe siècle par l’installation d’une série de grandes baies – couronnée sur son arase par une gaine de circulation formant chemin de ronde. Celui-ci est protégé par un parapet crénelé, régulièrement flanqué d’arbalétrières et de canonnières à ébrasement interne destinées à des armes épaulées de petit calibre (mousquets, couleuvrines). D’après ses caractéristiques architecturales, la construction de cette portion de courtine pourrait correspondre à une importante phase de reconstruction du château menée sous l’égide de Marguerite de la Rochefoucauld et attestée par les textes vers 1495-1496.

Un ensemble de remblais et de niveaux d’occupation, dont la datation pourrait s’échelonner entre le XIe et le XVe siècle, est conservé au sud de la courtine, sous le plancher d’un grand bâtiment transformé en théâtre au début du XXe siècle.

La construction de la tour de flanquement nord-est et de la portion de courtine attenante à l’est intervient dans une seconde étape de construction, comme l’indiquent les relations stratigraphiques entre la courtine nord et la chemise de la tour. Cette dernière présente d’ailleurs une mise en œuvre et des caractéristiques architecturales différentes. Il s’agit d’une tour de plan en arc outrepassé, d’un diamètre d’environ 8,20 m hors-œuvre divisée en 2 salles de plan circulaire superposées et d’une plate forme sommitale qui communique avec le chemin de ronde. Les deux niveaux inférieurs sont percés chacun par trois canonnières à ébrasement extérieur présentant une ouverture de tir de forme oblongue, surmontée par un arc de décharge, dont le type évoque des ouvertures de tir caractéristiques du XVIe siècle.

D’autres aménagements architecturaux interviennent à la période moderne, sans qu’il soit possible de les dater précisément à partir de leurs seules caractéristiques architecturales. Un grand bâtiment, traditionnellement interprétés comme les granges ou les écuries du château est accolé à cette période contre le parement sud du mur de courtine nord. C’est également à la période moderne qu’est construite une petite tourelle de flanquement contre la tour méridionale du châtelet d’entrée. Celle-ci communique avec l’échauguette sud du châtelet qui lui est contemporaine et dont la construction est donc postérieure à celle du châtelet. Les dernières transformations architecturales du site interviennent à la période contemporaine, entre le XIXe et le XXe siècle. L’ensemble des parties orientales du château sont alors démolies, la basse cour est transformée en place et des accès sont aménagés. La tour de flanquement nord est alors écrêtée et largement reprise en sous œuvre. La salle basse de la tour est partitionnée pour recevoir l’évacuation d’une latrine aménagée dans son parement sud.

Le grand bâtiment des écuries est cloisonné et partiellement transformé en salle de spectacle. Les grandes ouvertures pratiquées dans le mur de courtine nord sont installées à cette période afin de permettre l’éclairage du bâtiment. C’est également à cette période que sont construits les bâtiments sud-ouest, qui jouxtent la partie sud du châtelet d’entrée. Cette intervention archéologique confirme l’absence sur le site d’éléments architecturaux appartenant aux premières phases d’occupation du site castral, avant les reconstructions de la fin du Moyen Âge, conformément aux observations réalisées lors du diagnostic INRAP. Plus surprenante est la découverte de mobilier antique et protohistorique, sur un promontoire rocheux dont l’occupation ne semblait pas antérieure aux alentours de l’an mil. On constate par ailleurs, malgré la disparition des éléments bâtis anciens, que plusieurs niveaux d’occupation et de remblais remontant aux premiers siècles du site castral ont été préservés jusqu’à nos jours et sont toujours conservés dans les sous-sols des bâtiments nord et sud du château. La présence de plusieurs séquences stratigraphiques intactes, recoupées lors de l’aménagement des caves du théâtre et du bâtiment sud offrent des supports précieux et didactiques pour une mise en valeur des vestiges archéologiques et leur présentation au public.

Mathias DUPUIS

2013

Le châtelet d’entrée nord-ouest du château de Barbezieux est un des derniers éléments conservés en élévation de l’époque médiévale. En vue de sa réhabilitation et de celle des bâtiments qui l’entourent, au nord-ouest de l’actuelle place de Verdun, une fouille avec étude du bâti a été prescrite par le service régional de l’Archéologie. La Communauté de Communes des 4B Sud Charente est à l’initiative de ce projet qui doit apporter des éléments archéologiques à la compréhension du monument et à l’évolution du châtelet depuis sa construction jusqu’à nos jours.

L’étude du bâti a permis de démontrer la répartition entre les étages défensifs et domestiques dès la construction du châtelet. Les ouvertures de tir situées en rez-de-chaussée et côté extra muros indiquent un niveau de défense lié à l’utilisation d’armes à feu telles que les haquebuses, les serpentines ou de petits canons portatifs de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle. Les fenêtres de la façade ouest ainsi que les plans des salles quadrangulaires dans les tours signalent bien une construction d’agrément plus que défensive. En témoignent l’absence d’assommoir, de herse et d’ouvertures de tir dans le passage d’entrée central. Les chambres de tir sont casematées et les canonnières offrent un plan triangulaire qui annonce l’arrivée des canonnières dites «à la française» de la fin du Moyen Âge et du début du XVIe siècle. Dépouillées d’équipement de confort, les chambres de tir ouvrent sur des salles souterraines dont la fonction demeure difficile à saisir encore aujourd’hui. Les étages se déclinent en trois pièces juxtaposées, agrémentées de cheminées et de grandes fenêtres rectangulaires à croisées. Le 1er étage possède un aménagement sous chaque fenêtre qui témoigne de la fonction domestique qui y était pratiquée (cuisine). Le 2e étage servirait plutôt de salle de garde à laquelle l’aspect résidentiel est clairement affirmé.

Les restaurations liées à la réhabilitation du châtelet en hôpital et en prison au XIXe siècle sont une étape importante dans l’évolution du monument et de ses abords. Outre les ouvertures de la façade intra muros, qui sont toutes restaurées à l’exception de l’OUV 6045, la place de Verdun est nivelée et les remblais de terrassements servent à condamner le passage d’entrée d’origine du châtelet. Le sondage [H] implanté devant le pavillon central du châtelet a permis de mettre au jour le chemin d’origine ainsi que la séquence stratigraphique qui le recouvre. Une occupation probablement antérieure, recouverte par le chemin d’entrée et liée au château des Xe – XIIe siècles, a été partiellement mise au jour (silos ?). Le mobilier céramique retrouvé piégé dans le chemin atteste d’une datation des XVe XVIe siècles, soit au moment où la fortification est reconstruite à l’initiative de Marguerite de La Rochefoucauld. Certains graffitis relevés dans les chambres de tir et autour du chemin de ronde témoignent de la station de gardes à cette époque. Les autres se réfèrent à une époque plus récente et à l’occupation des troupes allemandes en poste à Barbezieux, avec comme poste d’observation le chemin de ronde alors encore habitable. Le sondage [I] a permis de mettre au jour le mur de courtine nord-est du château qui relie le châtelet au front nord : le mur de courtine a été arasé et sert de semelle à la tourelle d’angle nord restaurée au XIXe siècle. Peu de mobilier archéologique a été trouvé notamment dans les couches anciennes du chemin qui a été dégagé sur 6 m environ de longueur : la céramique permet d’avancer une date des XVe et XVIe siècles contemporaine de la construction du châtelet. Une penture en fer a été retrouvée dans la salle souterraine de la tour nord et a été prélevée : elle viendrait d’une ouverture en bois sur laquelle elle était installée, dont la datation reste incertaine (époque moderne – contemporaine).

Caroline CHAUVEAU

2013-2015

Le projet de réfection du théâtre situé dans l’aile nord ainsi que la res­tauration de l’aile sud impliquaient le creusement d’un grand nombre de tranchées pour faire passer les réseaux, tant dans les bâtiments que sur la place de Verdun et dans l’emplacement des fossés. Trois prescriptions diffé­rentes et autant d’arrêtés préfectoraux ont été émis face au nombre de struc­tures découvertes et au nombre de tranchées nécessaires au chantier de restauration. Le suivi des travaux d’aménagement du château s’est étendu entre décembre 2013 et septembre 2015. Onze opérations ont été menées sur cette période pour un total de 37,5 jours. Vingt-cinq sondages ont été réalisés par une pelle mécanique à godet lisse. Ce suivi était commandé par la communauté de communes des 4B.

Les observations et enregistrements des données archéologiques a donc été limités par l’emprise de ces tranchées. Une majorité d’entre elles a été creusée sur 30 cm de large ce qui a réduit les possibilités de fouille des structures découvertes. La présence de nombreux réseaux (eau, gaz, électri­cité, PTT…) dont la localisation n’était pas toujours renseignée sur les plans du DICT a également été un frein au bon déroulement des interventions.

Quelques tessons ainsi qu’un niveau de sol et un trou de poteau seraient attribuables à l’époque protohistorique (phase I). Cette occupation n’a pu être caractérisée.

Un amas de graines carbonisées est ensuite daté des IXe-Xe siècles (phase II). Le contexte de dépôt s’apparente plus à une fosse qu’à un silo. Il n’y a donc aucune certitude quant aux modalités de stockage à cette période. Parmi un très grand nombre de structures creusées dans le substrat calcaire, près de 70 silos sont recensés (fig. 1). En dépit d’une absence quasi-systématique d’indice de chronologie relative, l’hypothèse d’une aire d’ensilage s’impose. Le cadre de celle-ci reste à préciser. Selon une source écrite tardive et non fondée, il s’agirait d’une propriété acquise par les archevêques de Bordeaux et le chapitre Saint-Seurin de Bordeaux, grâce à une générosité de Charle­magne. Si l’origine du bien ne peut être vérifiée, en revanche, le site intègre clairement le patrimoine des religieux au début du XIe siècle et encore au XIVe siècle. Dans cette perspective, la première construction pourrait être une chapelle dédiée à Eumathius. La dédicace évoque une influence de la sphère religieuse périgourdine. On ne peut cependant exclure une simple aire d’ensilage sur le premier relief dominant, aux abords de Saint-Seurin, le supposé pôle paroissial primitif. Ici, la question rejoint les probléma­tiques abordées par différents chercheurs, notamment ceux regroupés dans le PCR « Habitas groupés/Villæ du haut Moyen Âge en Languedoc et en Roussillon ».

L’implantation simultanée d’une chapelle et d’un castrum (phase III) reste sujette à caution tout comme l’ancienneté d’un lignage éponyme. Sur la question, la première preuve est la participation d’Auduin à la fondation du prieuré Sainte-Marie de Barbezieux par l’archevêque de Bordeaux Geoffroy. Il est qualifié de détenteur du castrum de Barbezieux par droit héréditaire. Ses héritiers bénéficient effectivement du droit sous réserve d’un hommage à l’archevêque pour le château, mis à part une aula qui leur appartient. Les réflexions menées dans le cadre de cette étude aboutissent à l’hypothèse d’un lien de parenté entre Auduin et Geoffroy.

Dans les sources, le castrum des XIe-XIIe siècles est clairement cité comme un lieu de résidence des seigneurs et de plusieurs chevaliers. L’archéologie n’a livré aucune information sur une telle partition des espaces. Le contexte incite même à reconsidérer les schémas d’évolution illustrés par les récentes maquettes numériques. Le château pourrait correspondre au réduit ou caput castri comprenant l’ensemble architectural aula/camera (jamais mentionnée)/capella. Le castrum s’étendrait alors sur une aire périphé­rique, sans doute délimitée par une enceinte de pieux. Le noyau d’habitats correspondrait éventuellement au quartier du Limousin dont le caractère énigmatique a été souligné dans le cadre du diagnostic de l’AVAP. Durant cette période de construction et de formation de la trame parcellaire, cer­tains silos semblent abandonnés, témoignant ainsi d’une évolution des fonctions des espaces. Les données stratigraphiques ne permettent cepen­dant pas d’exclure des comblements lors de travaux ultérieurs. Les incerti­tudes relatives à l’emprise du castrum se répercutent sur la perception de la formation d’un bourg autour du monastère Sainte-Marie. Des mentions de portes suggèrent l’édification d’une enceinte dès le XIIe siècle (phase IV). Au cours de la même période, l’insécurité constituerait un motif pour reprendre l’enceinte du castrum en maçonnerie. Ainsi, l’attribution pri­mitive de la porte Roset reste incertaine. Appartient-elle au castrum ou au bourg ?

Au sein du château, un ensemble de maçonneries a été identifié à l’angle ouest de la place (phase V). Il ne correspond à aucun bâtiment connu sur les plans. Il est associé à plusieurs niveaux de sol et une couche charbon­neuse. Plusieurs destructions du château sont mentionnées dans les sources textuelles entre le XIIIe et le début du XIVe siècle (phase VI). Leur ampleur reste incertaine. En 1302, le château apparait partiellement inhabité. Dans le codicille à son testament daté du 23 août, Itier de Barbezieux souhaite la construction d’une chapelle attenante à la chapelle Saint-Ymas « à droite où sont le pré et la treille ». Une importante campagne de reconstruction du château, notamment de ses éléments défensifs (phase VII) est entreprise par Marguerite de la Rochefoucault. Ses livres de compte datent cette cam­pagne de 1495-1496. La courtine nord ainsi que le châtelet d’entrée nord-ouest semblent avoir été les premiers construits (phase VII). Un chemin d’accès au château est également aménagé dans le substrat calcaire. Il a été reconnu à la fois devant le châtelet nord-ouest et à l’angle nord-est de la place de Verdun. Un jardin, localisé dans l’actuel square du 14 Juillet paraît également être installé à cette époque. Le front nord-est est ensuite édifié avec au moins une tour (phase VIII). L’aile nord est bâtie ultérieurement (phase IX), appuyée contre la courtine. Sa datation est incertaine. Bien qu’attribuée à l’époque moderne, il est possible que sa construction soit liée à l’installation d’une garnison dans le château en 1595. Après la vente révo­lutionnaire et son acquisition par la commune de Barbezieux, le château est progressivement démantelé entre 1832 et 1847 (phase X). D’importants tra­vaux de terrassement sont réalisés pour créer la place de Verdun entrainant une large destruction des vestiges archéologiques. Les bâtiments subsis­tants sont occupés durant la seconde guerre mondiale par des troupes alle­mandes (phase XI). Une partie est ensuite aménagée en théâtre. L’ensemble est progressivement restauré jusqu’à nos jours (phase XII).

Camille MARGUERITE