Fiche
Résumé
La cathédrale Notre-Dame de Tulle est un édifice de tradition romane qui a succédé, à partir de 1317, à l’ancienne église abbatiale du monastère Saint Martin. Elle est localisée sur la berge occidentale de la Corrèze, à la confluence avec un petit cours d’eau secondaire, la Solane, venu en contrehaut depuis le nord et aujourd’hui canalisé sous la rue qui borde la place Monseigneur Berteaud. Cette configuration topographique et la nature marécageuse du sous-sol ont invariablement favorisé la formation de crues au cours des siècles.
Dans le cadre des travaux de rénovation et de mise en valeur de l’aile orientale du cloître réalisés sous la maîtrise d’œuvre de la Conservation Régionale des Monuments Historiques, et face aux problèmes d’humidité chroniques que connait l’édifice, il était nécessaire d’installer une pompe de relevage dans la salle capitulaire, permettant le rejet du collecteur pluvial du cloître directement dans la Corrèze. du fait de la sensibilité et de la méconnaissance du sous-sol archéologique de cette partie de l’abbaye, un sondage exploratoire de 6 m2 a été implanté dans l’angle sud est de la salle. Il avait pour objectifs de détecter les niveaux enterrés sous le pavage, d’identifier d’éventuelles inhumations, de préciser les relations chrono stratigraphiques entre les niveaux sédimentaires et les maçonneries, enfin de caractériser ces dernières au niveau des soubassements de l’édifice. Confié au bureau Hadès et réalisé au mois de septembre, il a mobilisé deux archéologues pendant neuf jours.
Le dégagement des couches archéologiques a permis d’observer le toit du terrain naturel, coté à 1,30 m sous le dallage actuel. Malgré la faible visibilité due à son recouvrement intégral par la nappe phréatique, on a pu observer un contexte limono sableux incluant de petits nodules de schiste roulés, assez proche de celui mis au jour à la base d’un sondage profond creusé lors des fouilles de la Place Monseigneur Berteaud (Montigny 2007). La proximité du sondage de la salle capitulaire avec le lit actuel de la Corrèze, sa situation en lisière orientale d’un cône de solifluxion reconnu à l’exutoire de la vallée de la Solane, où il empiète sur les dépôts alluviaux de fond de vallée, explique cette analogie.
Les vestiges les plus anciens reconnus dans l’emprise du sondage sont de nature funéraire. Deux sépultures, partiellement observées, illustrent cette première phase d’occupation. Ce sont des tombes en coffre aménagées à l’aide de moellons et de blocs de granite. Dans un cas comme dans l’autre, le contour est trapézoïdal, et l’architecture est assez hétérogène. Même la sépulture la mieux aménagée se compose d’éléments disparates : de grandes dalles à arêtes vives côtoient de simples moellons de petites dimensions. On constate l’absence systématique de fond en pierre, et, dans un cas, la présence d’une couverture, réalisée avec de grandes plaques de schiste posées à plat sur toute la largeur du coffre. L’impossibilité de dégager l’intégralité de ces deux aménagements nous prive de l’observation de leurs extrémités supérieures : à ce titre, la présence de logettes céphaliques demeure incertaine. En l’absence de mobilier associé, il est délicat de proposer une chronologie assurée pour la mise en place de ces inhumations. Néanmoins, sur un plan typologique et compte tenu de leur position stratigraphique, l’hypothèse de tombes du haut Moyen Âge paraît tout à fait plausible, ne serait ce que par la découverte, sur le flanc nord de la cathédrale, de trois sarcophages en granite datés par 14C entre le milieu du VIe s. et la fin du VIIe s. (Montigny 2007).
La zone étudiée a fait par la suite l’objet d’un remaniement important puisqu’un mur massif orienté est ouest est édifié en lieu et place des tombes. Par ses dimensions (près d’un mètre de large) et la solidité de sa mise en œuvre, cette maçonnerie, bien qu’arasée et largement épierrée, témoigne assurément de la présence d’un bâtiment antérieur à la construction de la salle capitulaire, traditionnellement datée de l’extrême fin du XIIe ou des premières décennies du XIIIe siècle. En revanche, on ignore tout de sa destination et de sa durée de fonctionnement, ni même s’il faut le mettre en relation avec l’ensemble abbatial carolingien, dont certains vestiges, en l’occurrence ceux du massif occidental de l’église, avaient été mis au jour sous la nef de la cathédrale, en 1989 (Cantié 1990). Il convient simplement de noter que la destruction de ce mur est suivie par un important apport de remblai destiné à exhausser et niveler l’espace avant de la construction de la salle capitulaire. Ultérieurement, la stratigraphie enregistre l’enfouissement de deux nouvelles tombes, là encore partiellement observées : les individus sont sur le dos, déposés en linceuls dans une vaste fosse dont l’aménagement a perforé le niveau de fondation du mur démantelé.
Au bilan cette intervention a permis de documenter le sous-sol de la salle capitulaire, avec la mise en évidence de trois phases clairement dissociées : deux phases funéraires, dont l’une date vraisemblablement du haut Moyen Âge, entre lesquelles s’intercale une construction médiévale massive inédite antérieure à la salle capitulaire du XIIIe siècle. En dépit de son exiguïté, ce nouveau point d’observation apporte un complément utile à la connaissance topographique de la nécropole carolingienne gravitant autour du pôle ecclésial ; il révèle en outre que les exhaussements nécessaires au réaménagement des bâtiments claustraux orientaux induisent un enfouissement significatif des niveaux antérieurs au XIIIe siècle : ceux-ci apparaissent en effet à plus d’un mètre de profondeur et augurent une bonne préservation des vestiges anciens que le sous-sol de cette partie de l’abbaye est susceptible de receler.
Yann HENRY