Fiche
Résumé
La façade occidentale de la « vieille église » suscite depuis plusieurs décennies l’intérêt des historiens de l’art et des archéologues. Dès le XIXe siècle, les archéologues se sont penchés sur ce cas extrêmement fascinant par la complexité de la constitution de la façade elle-même, mais également des rapports qu’entretiennent la « Vieille église » et la cathédrale à coupoles. Beaucoup ont écrit sur le sujet, mais aucune étude archéologique de bâti n’avait jusqu’alors été prescrite.
La campagne de restauration engagée en 2011 par les Monuments Historiques a généré une prescription du service régional de l’Archéologie portant essentiellement sur l’établissement d’un phasage des différentes époques de construction de la façade occidentale de la « Vieille église » et la mise en évidence des éléments remarquables et potentiellement datables (arcature et moulures notamment).
Les investigations de terrain devant mettre en lumière les différentes étapes de la construction, il a été nécessaire de procéder au fur et à mesure de l’enregistrement des unités à un calepinage de la façade afin de pouvoir bénéficier d’une lecture moins morcelée de l’ensemble. Dans un second temps, une attention particulière, accompagnée de relevés, a été accordée aux éléments ornés, datables, ou plus simplement remarquables. Aucune recherche bibliographique, historique ou documentaire n’a été prescrite en accompagnement de ce travail. Il a cependant été nécessaire de se plonger dans la lecture des travaux déjà effectués, notamment au XIXe siècle, afin d’éviter la présentation comme données nouvelles et inédites de précisions qui seraient déjà acquises.
Si la cathédrale Saint Front a été classée en 1840, la façade de la Vieille église ne l’a été qu’en 1889.
L’élément le plus remarquable de cette façade reste l’emprise de la restauration sur l’édifice préexistant. Il ne reste presque rien de la construction originale. Quelques lambeaux maçonnés subsistent ça et là, et c’est seulement sur ces derniers que l’on peut réellement s’appuyer pour essayer de comprendre l’évolution de cette partie de l’édifice. La plus importante des problématiques soulevées par cette étude demeure l’impact de la restauration de la façade, dirigée par Boeswillwald entre 1887 et 1913, et des partis que l’architecte a pris pour exécuter son projet. En effet, la conservation de certains éléments maçonnés, très altérés, au détriment d’autres, intégralement ravalés ou rhabillés, soulève la question de la motivation de l’architecte à laisser certaines parties intactes, lisibles et exemptes de toute restauration. De la même manière, sur des secteurs en grande partie repris, on voit apparaître des ruptures très nettes, qui de toute évidence auraient pu, au moment de la restauration, être éliminées. On peut donc supposer que l’architecte a voulu que restent matérialisés des événements de la vie de l’édifice. Aussi, devant cette interrogation, il conviendrait de se plonger dans l’histoire de cette restauration ».
Les investigations ont néanmoins permis de proposer plusieurs époques de construction, comprises entre l’Antiquité et les restaurations de l’extrême fin du XIXe s. et début XXe siècle.
La préexistence d’un édifice antique est supposée en raison de la présence, en partie basse de la moitié sud de la façade, d’éléments lapidaires dont les gabarits s’apparentent au type modulaire de prédilection de l’architecture monumentale antique. C’est le cas notamment d’une base et d’un piédestal, de colonne selon toute vraisemblance, mais aussi de blocs de maçonnerie dont les hauteurs d’assises se situent autour de 100 cm. La proximité supposée d’une nécropole antique et la situation topographique sur le sommet d’une colline nous permet d’envisager l’existence d’un édifice de type mausolée, oratoire, temple, etc.
Cette construction a vraisemblablement servi ensuite à l’installation d’un autre édifice, probablement religieux, mettant en œuvre des blocs de grand gabarit, peut être en remploi, qui vient s’appuyer sur l’édifice antique. Conservé de manière très résiduelle, on ne peut avancer aucune hypothèse pertinente, si ce n’est renvoyer à l’histoire de la basilique Saint Front qui évoque la construction d’un édifice mérovingien, achevé vers 512. Cette présomption repose sur l’existence d’une épitaphe dédiée à Chronope qui mentionne très clairement la construction d’un « temple » sorti des débris « fumans » d’un autre édifice. Doit on voir un édifice antique (temple ou mausolée) à proximité des nécropoles, puis un édifice mérovingien qui s’appuie sur des parties existantes et remploi des matériaux ou simplement un édifice d’Antiquité tardive qui récupère des matériaux, peu éloignés, mais pas forcément issus d’une construction sur place ? La confrontation des textes anciens, évoqués à de multiples reprises par les archéologues, historiens et autres érudits du XIXe siècle, avec la contrainte que représente le déplacement de blocs présentant un tel gabarit nous conduit plausiblement à envisager la première hypothèse.
La première église romane (XIe s.) n’est conservée, pour l’essentiel, que sous forme de blocs très ravalés, voire rhabillés, et finalement d’assez peu d’éléments non retouchés. L’arcature qui couronne actuellement la partie centrale de la façade est supposée appartenir, au plus tard, à cette première construction romane. Il semble qu’ensuite elle se soit dotée de bas côtés, du moins nous pouvons le supposer en raison des ruptures matérialisées ou laissées apparentes au moment de la restauration ainsi que par l’ajout d’une porte sud qui ne prend sens que dès lors que nous avons des bas-côtés. On voit par ailleurs assez nettement qu’il s’agit d’une insertion a posteriori au nord, dans un mur préexistant et au sud dans un mur, repris ou refait, qui ne s’apparente absolument pas à celui du nord. Ce sont bien deux murs distincts. Néanmoins, les articulations restent assez complexes à mettre en lumière en raison des restaurations qui ne nous laissent que des lambeaux pour raisonner. Plusieurs questions sont soulevées par la physionomie de l’édifice supposé « premier roman ». L’appareillage de cette première église romane correspond-il réellement à ce que nous voyons aujourd’hui ou ressemblait-il davantage à ce que nous voyons sur son revers ? Certains auteurs attribuent les collatéraux à une époque plus ancienne que le XIe s. Il est difficile de le confirmer ou de l’infirmer, néanmoins, il semble plus cohérent de faire remonter l’agrandissement à l’époque romane, en raison d’abord du type d’appareillage qui est mis en œuvre dans ces parties, de la présence (supposé) du contrefort et de son absence, sans traces d’arrachement, sur la partie sud, qui ne semble cohérent que s’il est mis en relation avec le monastère.
Des travaux sont ensuite à nouveau faits fin XIIe-début XIIIe s. On change vraisemblablement la physionomie de l’entrée en modifiant le portail. Dans l’emprise de l’ouverture en plein cintre existante, on dispose une porte dotée d’un arc brisé et de plusieurs corps de voussures, à pointes de diamant notamment. Cette insertion a nécessité la reprise de la maçonnerie, pour insérer des piédroits dans une emprise légèrement plus restreinte.
Ensuite ce sont essentiellement des réfections et restaurations qui touchent l’édifice. Celles de l’époque moderne ont été gommées par les restaurations, conduites par Abadie, Bruyère et Boeswillwald au XIXe siècle. Elles ont touchés la totalité de la cathédrale Saint-Front, mais les travaux portant sur la façade sont essentiellement imputables à Boeswillwald. L’état d’esprit dans lequel il a mené cette campagne de restauration, les renseignements dont il disposait pour mettre en place son projet ainsi que le détail de ce qu’il a réalisé restent la meilleure manière pour nous d’articuler l’évolution du bâtiment lui même. Ses notes, projets et éventuels croquis, non exploités dans cette étude, doivent receler des clés indispensables pour la bonne compréhension de la façade, telle qu’elle se présente aujourd’hui.
Cécilia PÉDINI