Fiche
Résumé
La construction d’une école dans le centre bourg de La Teste de Buch, en Gironde, est à l’origine de la première fouille préventive menée sur le territoire communal. L’opération s’est déroulée à l’emplacement d’un groupe de parcelles sises au sud de la mairie, juste à l’angle de l’allée Clémenceau et de la rue du 14 juillet. Elle a occasionné la découverte et l’étude de 137 structures en creux majoritairement datées de la fin du haut Moyen Âge (VIIIe – Xe siècles), du Moyen Âge central et des époques moderne et contemporaine aménagées dans le substrat aliothique et réparties sur l’ensemble de la surface investie, soit environ 3 000 m2.
Certains de ces aménagements avaient été mis en évidence au cours du diagnostic réalisé durant l’hiver précédent sous la direction de Philippe Jacques. Une attention particulière avait alors été portée à la chronologie des vestiges, dans une large mesure inscrite dans l’intervalle Xe – XIIIe siècles, mais rehaussée par la présence d’un lot de céramique attribué au très haut Moyen Âge. La prescription était motivée par la possibilité de compléter et d’élargir ces observations, puis de les confronter aux autres découvertes du haut Moyen Âge réalisées lors d’une campagne de fouilles triennales à quelques centaines de mètres plus au nord, près de l’église paroissiale et de l’école Gambetta.
Le site se caractérise par l’absence de sédimentation et le piètre état de conservation des vestiges : à l’exception des fonds de creusements, la grande majorité des témoins de l’occupation médiévale (niveaux de sol et autres aménagements de surface) ont disparu, et l’absence de recoupement entre structures n’a pas facilité leur mise en relation. Les vestiges sont tous apparus directement sous l’épaisseur de terre humique (soit 0,40 m en dessous de la surface actuelle), au niveau de l’alios. Or, par la nature même de ce substrat sableux, encroûté uniquement en surface et par endroits, la fouille s’est révélée particulièrement délicate : chaque structure en creux en cours de fouille voyait la nappe phréatique apparaître et saper systématiquement les parois au niveau du sable sous-jacent, avant de les faire disparaître. En outre, la remontée de la nappe dès la troisième semaine de fouille a nécessité l’usage de pompes thermiques afin d’évacuer l’eau des fosses et de la rabattre dans le pluvial le plus proche. Signalons qu’à rebours, ce milieu humide a assuré la conservation de certains éléments anciens en bois.
Les vestiges médiévaux se rattachent pour l’essentiel à la fin du haut Moyen Âge, soit un large intervalle compris entre le VIIe et le Xe siècle. Ils se répartissent autour de deux bâtiments excavés dans l’alios, distants d’une quinzaine de mètres l’un de l’autre. Le premier correspond à un bâtiment excavé de 6 m par 3 m de large, de plan oblong avec les angles arrondis (fig. 1). Il est matérialisé par un décaissement régulier du substrat sur 0,20 m de profondeur. Le pourtour interne de cet espace, à l’aplomb des parois, est surcreusé sur 0,15 m de large et autant de profondeur. Cette rainure paraît marquer l’emplacement de sablières permettant la pose d’un plancher sur vide sanitaire. Treize trous de poteau (périphériques et internes) s’intègrent dans cette construction et permettent de restituer un édifice sur poteaux porteurs et parois en matériaux périssables, même si aucun vestige de ce type n’a été conservé. L’intérieur du bâtiment a été perforé lors de l’installation de trois fosses circulaires. La découverte de tonneaux en bois encastrés dans chacune d’entre elles suggère une fonction initiale de puisard (la structure du tonneau empêchant les risques d’effondrement des parois sableuses), mais leur utilisation finale en tant que dépotoirs et la découverte de fragments de céramiques glaçurées issues des ateliers de Cox (Tarn) et datés du XVIIe siècle, témoigne d’une réoccupation du bâtiment – ou plutôt de ses décombres – au cours de l’époque moderne.
Le second bâtiment rassemble une série de fosses circulaires et de trous de poteau répartis à proximité d’une vaste excavation qui tient lieu d’élément directeur (fig. 2). Elle prend la forme d’une imposante fosse amorphe de près de 15 m2, dont le pourtour a été recoupé par l’installation de trois fosses circulaires d’environ 1 m de diamètre. Pour les raisons qui ont été évoquées plus haut, la fouille n’a pas permis de purger cette grande fosse en intégralité. Le remplissage se composait de couches organiques – cendres, charbons, sédiments « tourbeux » incluant des rejets domestiques en quantité limitée (céramique, faune). La découverte d’un poteau en chêne de 1,25 m de long, calé à l’aide de cinq gros blocs de calcaire, signalait selon nous l’existence d’un plancher suspendu. Cette hypothèse se trouve renforcée par la présence de quatre trous de piquet creusés à la périphérie immédiate de la grande excavation, sur son flanc est, ainsi qu’une banquette taillée dans la paroi. Le mobilier recueilli au fond de cette structure et dans les fosses environnantes en situe l’abandon au haut Moyen Âge.
Le reste du site a livré d’autres aménagements en creux, mais aucune organisation ne se perçoit à travers leur agencement (fig. 3).
Si les résultats obtenus sont peu spectaculaires et ne livrent qu’une image appauvrie de l’occupation médiévale, celle-ci n’en demeure pas moins intéressante à divers égards : outre le fait qu’elle constitue une sorte d’exception dans le paysage actuel de l’archéologie préventive, qui n’a que très rarement l’occasion d’explorer le cœur des villages, le site de l’Allée Clémenceau, dans ce qui semble apparaître comme une zone de marges entre le centre paroissial et les secteurs d’habitats d’une part, et les espaces agricoles environnants d’autre part, pose un jalon supplémentaire pour la connaissance du peuplement médiéval de La Teste de Buch. À plus large échelle, il fait ressortir un type inédit de bâtiment construit en matériaux périssables de la fin du haut Moyen Âge, et permet d’établir des parallèles prometteurs avec d’autres sites agro-pastoraux fouillés récemment dans le sud de l’Aquitaine, dans la région de Dax et de Mont-de-Marsan.
Yann HENRY