Fiche
Résumé
L’essentiel de l’ornementation du dernier quart du XVIIIe siècle est conservé dans l’ancien ensemble abbatial. Ce sont avant tout des décors muraux, les sols et les plafonds ayant été généralement refaits dans les siècles postérieurs. Bien datés grâce au chroniqueur que fut le curé Cailhassou, ils s’accordent surtout avec les façades à caractère public, celles de la cour d’entrée ou celle du collège côté rue. La hiérarchie observable dans l’architecture se retrouve donc dans la décoration intérieure. de même que les façades à caractère plus « privé » (façades sur le cloître ou côté jardin) sont traitées de manière plus sobre, voire sèche, de même les pièces qui ne sont pas destinées à la réception n’ont reçu qu’un décor assez discret. Les salles les plus remarquables sont donc les salons du rez-de-chaussée et un appartement à l’étage. Elles ont conservé l’essentiel de leurs lambris, dessus de porte et stucs dont les motifs s’inscrivent parfaitement dans leur temps. Ces décors ont souffert de « rénovations » intempestives, encore que probablement réversibles (repeints). La disparition progressive, et parfois récente, d’éléments mobiliers qui les accompagnaient nuit à l’impression d’ensemble : c’est le cas notamment du salon de compagnie qui a perdu ses tapisseries et ses meubles. Quelques textes, notamment les inventaires révolutionnaires, ou trop rares photographies, restituent médiocrement la conception initiale de ces pièces d’apparat. Elles sont les témoins, encore fidèles malgré les amputations et les badigeons criards, de la conception décorative des bénédictins en cette fin de siècle, plus proches ici des réalisations séculières que d’un esprit monastique. Mais il n’y a là rien d’exceptionnel, les exemples similaires pourraient être multipliés, et ce raffinement se comprend d’autant mieux qu’il correspond à la promotion du collège en École Royale Militaire.
Les documents, et notamment les plans, montrent qu’à la Révolution, le collège ne comprenait qu’une cour entourée de bâtiments « bien bâtis » (Cour des Rouges). Les constructions situées plus au sud, et qui commencent à s’organiser autour de deux nouvelles cours, sont jugées médiocres, souvent en simple rez-de-chaussée. Elles abritent quelques classes et des dépendances liées aux cuisines. Ce n’est que progressivement que ce secteur est mis en valeur, principalement à partir de la construction de la chapelle au milieu du XIXe siècle. On ignore quand et à qui en fut confié le décor peint, qui n’est d’ailleurs plus connu que par des photographies, à l’exception de la peinture du cul de four. La chapelle investit un secteur qui est ensuite l’objet d’autres aménagements décoratifs : la « Salle centrale » et la « Salle des Fêtes », plus tard « des Bustes ». Cette réalisation, remarquable par son originalité, n’est probablement pas le fruit d’une seule campagne. C’est sans doute là un des principaux acquis de cette étude. Il convient, pensons-nous, de dissocier le décor peint des bustes qui y ont été installés. Lacordaire pourrait être, directement ou non, à l’origine du décor primitif de cette salle, conçu comme l’affirmation d’un héritage, commémoration et glorification de l’enseignement dispensé par les religieux. Deux pistes ont été suggérées, séduisantes mais fragiles, et restent à explorer : celle de la possible participation du peintre sorézien Pierre Auguste Pichon et celle des peintres issus de la Société de Saint Jean. Faute de documents écrits, peut être encore à retrouver, une étude détaillée des grandes scènes du registre supérieur permettrait peut-être d’en proposer une attribution. A la fin du siècle, à la gloire de l’École s’ajoutent les gloires « locales », anciens élèves promus à une grande destinée. Les bustes des Soréziens du siècle viennent à leur tour présider aux cérémonies qui se déroulent dans cette « salle des Illustres », pour reprendre l’appellation de son homologue toulousaine. La deuxième moitié du XIXe siècle ne s’est pas contentée de ces réalisations plus spectaculaires, elle a également apporté sa touche, dans un souci d’historicisme, à plusieurs pièces de l’ancienne abbaye, ponctuant les décors du XVIIIe par quelques blasons. On ne pourra malheureusement retenir du XXe siècle écoulé qu’un entretien parfois contestable et des déprédations, mais se féliciter de l’intérêt retrouvé pour ces décors intérieurs qui motive les actuels projets de restauration. Nul doute que les travaux à venir contribuent à la connaissance de cet ensemble et ajoutent au corpus ici présenté.
Nelly POUSTHOMIS-DALLE