Fiche
Résumé
L’intervention, réalisée à la fin de l’année 2006 au 1 rue Godin / 2 bis rue Porte de France à Nîmes, a permis de dégager l’extrémité orientale d’une grande domus, comportant une petite cour à portique, qu’il convient aujourd’hui de désigner sous le nom de « domus au Griffon ».
Cette résidence, construite dans la première décennie du Ier s. p.C, était décorée au moment de sa destruction, vers le milieu du IVe s. au plus tard, d’au moins six pavements en opus tessellatum dont deux à crustae de plaquettes de marbre. À la périphérie nord de l’édifice, un second groupe de vestiges dont on ne sait s’il appartenait à la demeure considérée ou à une seconde maison, présentait cinq pavements en terrazzo dont trois à décors géométriques.
Les premiers indices de l’occupation immobilière du secteur correspondent à l’installation dans la première moitié du Ier s. a.C. d’un petit bâtiment sur solins de pierres et poteaux dont l’élévation devait faire largement appel à la terre et au bois. À l’intérieur, un aménagement constitué de fragments de blocs et de dalles calcaires pourrait constituer les lambeaux d’un sol de circulation. En périphérie immédiate de l’édifice, on note l’existence d’une canalisation, formée de plaques calcaires posées de chant, assez comparables techniquement aux canaux d’irrigation reconnus dans les aménagements agraires d’époque républicaine de la Z.A.C. des Halles à Nîmes. La destination de l’édifice reste délicate à établir : habitat, unité artisanale ou agraire ; l’hypothèse d’une citerne a été également évoquée.
Dans la première décennie du Ier s. p.C., l’occupation ancienne cède la place à de nouvelles constructions à vocation clairement résidentielle. L’installation des premières substructions a été précédée par le remodelage général du terrain marqué notamment par l’exhaussement de près d’un mètre de l’assiette topographique. L’îlot est bordé par une voie nord sud dont la rue Porte de France reprend dans ses grandes lignes le tracé. Malheureusement, dans le cadre de l’opération, il n’a pas été possible d’en observer les vestiges. de la demeure, ne nous sont parvenus que des éléments épars présentant un état de conservation peu satisfaisant et rendant la lecture des vestiges particulièrement délicate. Les vestiges se scindent en deux groupes (nord et sud), la relation stratigraphique entre les deux corps bâtis n’ayant pas été établie en raison de l’existence d’une importante perturbation centrale. Le premier ensemble (secteur nord) est constitué de deux petites unités de plan rectangulaire. Les sols de circulation sont formés de grandes dalles calcaires. L’hypothèse d’un espace semi ouvert a été évoquée. Au sud, le premier état de l’établissement n’est visible qu’au travers des fondations d’une demeure édifiée à l’époque flavienne et de quelques niveaux de circulation particulièrement dégradés. Dans le fond de ces tranchées, plusieurs indices montrent que les superstructures de la demeure flavienne ont repris le tracé des murs antérieurs : faible décalage des creusements, négatifs de poteau, vestiges de solins antérieurs, remblaiement des fonds de fondations antérieurs. Dans une pièce localisée au nord de l’ensemble sud, un niveau de terre battue associé à une petite structure foyère a été identifié directement sous un épais remblai servant d’assise aux niveaux d’occupation de la domus de la seconde moitié du Ier siècle.
A l’horizon de l’époque flavienne, l’édifice est entièrement reconstruit. Cette nouvelle phase constructive se caractérise par l’exhaussement et le nivellement préalable du terrain en vue de l’édification d’une nouvelle maison dont le plan respecte dans ses grandes lignes les orientations et le plan de l’habitat antérieur. Faute d’éléments offrant une grande précision chronologique, nous exposons les unités bâties telles qu’elles se présentaient au moment de leur destruction. Le corps principal de la demeure (ensemble D) s’organise autour d’une aire centrale vierge de structures bâties, interprétée comme l’espace d’une petite cour à trois portiques vraisemblablement équipée d’un bassin. Une base de colonne a été retrouvée in situ en bordure d’un pavement en opus tessellatum qui couvrait à l’origine le sol de la galerie nord. Toutes les pièces observées au nord et à l’est s’organisent autour de l’espace central par le biais des galeries. La partie sud-ouest de la maison, hors emprise de fouille, n’a pas été dégagée. Les pièces mises en évidence semblent en grande partie avoir été destinées à l’habitation (sols d’argile, sols en opus tessellatum, enduits peints) ou à une circulation privilégiée vers le cœur de la maison (vestibule d’entrée depuis la rue). Dans l’angle nord est de la maison, une petite unité, peut être située à l’extérieur contre le mur de façade et vraisemblablement ouverte sur la rue, constitue un espace domestique ou artisanal dédié à une activité culinaire. Trois amphores Dressel 20 sont réutilisées et montées en batterie. La présence de traces de rubéfaction sur la surface des contenants et la nature très cendreuse des comblements plaident en faveur d’une réutilisation comme clibani pour la cuisson du pain. L’hypothèse d’une boutique liée à la demeure a été évoquée. Les murs formant les cloisons internes sont fondés peu profondément sur des solins calcaires ou à ossature de bois (sablière). Les élévations ne sont pas conservées. Parfois, seul l’enduit a été préservé des destructions. Les quelques éléments protégés et les négatifs d’accroche observés aux revers des enduits dénotent l’existence d’une architecture mixte de pierres et de terre crue.
La partie nord de la parcelle est occupée par l’ensemble C dont on ne sait s’il appartenait à la maison susdite ou à une seconde domus. Les deux ensembles sont synchrones. de cet ensemble, seule la partie méridionale a été dégagée. du plan incomplet qui nous est parvenu, on peut distinguer, au sud, une grande pièce rectangulaire, C1, d’axe est/ouest, décorée d’un pavement en terrazzo. Cet espace est interprété comme un espace de circulation et de distribution de type vestibule. Sur son flanc nord, elle s’ouvre sur au moins quatre pièces contiguës toutes dotées d’un terrazzo à décor géométrique (tapis d’hexagones). La présence d’une cinquième à l’ouest-apparaît envisageable compte tenu du développement du vestibule vers l’ouest. Cependant, hors de l’emprise des travaux de terrassements archéologiques, elle n’a pas fait l’objet de fouille. Toutes les maçonneries ont été récupérées lors des phases de destruction de l’édifice, mais il apparaît vraisemblable que le mode de construction ne devait être guère différent de celui de l’ensemble D au sud.
La fin de l’occupation antique se traduit par une longue et systématique opération de démantèlement des superstructures de l’édifice qu’il apparaît nécessaire de placer, compte tenu des fossiles directeurs, dans la première moitié du IVe siècle. Les périodes médiévales et modernes sont caractérisées par des occupations assez lâches, l’espace semblant n’avoir été que peu bâti jusqu’au XVIIIe siècle. Les sources médiévales montrent en effet que la zone constituait un faubourg de la ville médiévale occupé, selon un texte du XVIIe siècle, par des vignes, des terres et des olivettes entretenues par des tenanciers de jardiniers ou de laboureurs ainsi que par quelques maisons qui composent jusqu’au milieu du XIXe siècle l’essentiel du paysage bâti.
Jérôme HÉNIQUE