Fiche
Résumé
Au coeur de Limoges, le bâtiment du Présidial, l’une des principales institutions d’Ancien Régime, a fait l’objet en 2018 d’une réhabilitation visant à transformer ses amples espaces en appartements privés. Dans le cadre de ses travaux sur les souterrains de Limoges, le projet Dédales, l’association Archéa est intervenue dès décembre 2017 sur les cavités redécouvertes dans ses soubassements avant leur altération par les travaux à venir. Les travaux ont été encadrés par les services de la Direction Régionale des Affaires Culturelles : un architecte du patrimoine a été missionné concernant la restauration de la façade, tandis qu’un accord a été conclu pour la préservation d’une partie des cellules des prisons. Le Service Régional de l’Archéologie a également prescrit une fouille préventive concernant les excavations prévues dans la cour du Présidial, articulée à une analyse archéologique de l’architecture du bâtiment et une étude documentaire approfondie. Si la modification du projet a annulé la fouille, les travaux restèrent soumis à une surveillance archéologique qui a donné lieu à la collecte d’une quarantaine d’éléments lapidaires issus des bâtiments antérieurs.
La topographie historique révèle une occupation ancienne des lieux, notamment liée à la présence de l’église Saint-Michel-des-Lions, l’une des plus anciennes églises de Limoges, comprise dans l’enceinte du Château vicomtal de Limoges (fig. a). L’étude des caves situées sous la parcelle du Présidial par Éric Balbo (fig. b), assisté de Jean-Claude Grany, révèle une occupation dense autour de cette église à l’époque médiévale, découvrant un parcellaire disparu. Au nord de l’église, se situe l’actuelle place du Présidial, dont l’intitulé initial, place du Belvédère, dit la position dominante. Elle aurait accueilli dès la fin du Moyen Âge un lieu de justice, sous l’autorité du sénéchal de Limoges, représentant du pouvoir royal. Attestant de son importance dans la mémoire civique, un parquet de justice est encore figuré à la fin du XVIe siècle à cet emplacement dans la cartographie de Limoges, nonobstant l’établissement d’une autre institution de justice, le Présidial (fig. c).
Crée par Henri II en 1552 pour servir des enjeux politiques, judiciaires et financiers, le Présidial constitue une cour alternative aux parlements. Malgré un champ d’action relativement restreint, il s’impose rapidement comme l’une des principales institutions étatiques en province sous l’Ancien Régime, dont le succès tient notamment aux possibilités de carrières et d’honneurs qu’elle offre à la notabilité locale. À Limoges, le Présidial est logé dans une ancienne maison curiale de l’église Saint-Michel-des-Lions, sur la place du Belvédère, héritant des traditions urbaines. Les vestiges archéologiques et les données historiques révèlent de l’ancien Palais de Justice un bâtiment à trois niveaux, comprenant des prisons en rez-de-chaussée et une salle du Conseil du Présidial à l’étage. Au XVIIe siècle, la complexification de la procédure judiciaire engendre un allongement des durées de détention, pourtant essentiellement préventives, et qui se traduit par la dissociation des prisons et du Palais de Justice.
Inadapté dès l’origine à son usage et sans investissement notable hormis de la part des magistrats qui y travaillent, le Présidial d’Henri II tombe en vétusté et devient inhabitable dans la première moitié du XVIIIe siècle. Cette situation n’est pas exclusive à Limoges : des enquêtes diligentées dans tout le royaume révèlent des conditions d’incarcération d’autant plus intolérables qu’elles concernent pour la plupart des individus en attente de jugement. À partir de ces enquêtes et de l’expérience des magistrats, un ingénieur des Ponts et Chaussées s’attelle à la reconstruction du Présidial, entre 1778 et 1782 (fig. d). Il en résulte un Palais de Justice exemplaire, qui répond tant bien-être des justiciables qu’au bon fonctionnement de la justice et à la nécessité d’incarner l’institution et l’État.