Fiche
Résumé
Le château de Carlux comprend différents édifices inscrits dans une enceinte épousant le plan irrégulier d’une butte témoin (fig. 1). L’objet de cette étude est un ensemble architectural mal défini qualifié de logis, constitué d’un imposant bâtiment avec tour adossée. Ne subsistent du corps de logis qu’une portion de son mur oriental et son mur sud qui barre l’éperon rocheux de part en part (fig. 1 et 2). La tour (fig. 3), mieux conservée, est munie de contreforts reliés par de grandes arcades en arc brisé, et composée d’une base pleine surmontée d’une salle divisée en deux niveaux tardivement, couronnée par une terrasse sommitale. Le flanc oriental de l’édifice était défendu par des hourds installés en façade (fig. 5).
Inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, le site fait l’objet d’un projet de restauration en vue d’être ouvert à la visite. Dans ce cadre, le service régional de l’Archéologie a programmé une intervention archéologique limitée à l’observation des éléments posant des problèmes d’interprétation et menacés par les travaux envisagés.
L’opération a été réalisée en deux temps. Une rapide étude de bâti portant sur la tour et sur le mur oriental du logis, profitant de la présence d’échafaudages, a suivi au plus près, sur un total de 7 jours, le rythme des travaux en cours. En parallèle, une intervention sédimentaire, destinée à libérer le sommet de la tour des gravats qui masquaient les premiers niveaux en place et à évaluer la stratigraphie sous-jacente, a été menée à bien en une semaine par une équipe de deux à trois archéologues.
Les résultats des deux volets de l’intervention ont été rassemblés afin d’établir une chronologie relative de l’évolution du secteur étudié de l’édifice.
La première phase de construction identifiée peut être attribuée au XIIIe siècle par analogie avec d’autres sites de la région mieux documentés. Elle a été réalisée en deux phases distinctes mais rapprochées dans le temps, correspondant d’une part à l’édification du logis et des parties basses de la tour, et d’autre part à celle des parties hautes de cette dernière sur trois côtés. Il n’a pas été possible de déterminer s’il s’agissait d’un programme constructif initial découpé en campagnes prévues d’emblée ou d’étapes successives d’un chantier évolutif.
Aux XIVe et XVe siècles, le site a connu des temps mouvementés liés aux troubles induits par la guerre de Cent Ans et à l’histoire chaotique de la seigneurie. Une longue phase d’abandon, sans doute seulement partiel et intermittent, a entrainé une lente dégradation des maçonneries supérieures de la tour. Par ailleurs, des réaménagements visant à renforcer les défenses ont été entrepris. Une première enceinte a pu être mise en place dès cette époque. Une nouvelle structure en encorbellement, peut-être justement destinée à permettre l’accès direct depuis la tour à des hourds ou à un chemin de ronde installés sur ce mur de clôture, est mise en place sur la façade intérieure de la tour. Il est possible qu’un premier dallage ait été installé au sommet de cette dernière dès cette époque, sa mise en place coïncidant avec une fréquentation accrue des défenses. Le hourd oriental du logis paraît avoir été pourvu d’une toiture à cette époque, ce qui peut aussi évoquer une intensification de l’utilisation de cet équipement. Enfin, les traces d’un incendie très intense ayant abouti à la destruction du logis ont été identifiées dans divers secteurs de l’édifice. Cet évènement pourrait renvoyer à la prise partielle du château en 1436 mentionnée dans les textes.
La troisième phase chronologique proposée correspond à des travaux entrepris au XVIe et/ou au XVIIe siècle. Le mur d’enceinte oriental ainsi que la clôture nord sont construits ou reconstruits. La tour est restaurée. Ses parements extérieurs endommagés sont remplacés. Son niveau inférieur est fractionné par l’installation d’une voûte supplémentaire. Le dallage actuel est mis en place au niveau supérieur.
Au sein de la dernière phase chronologique ont été rassemblés les éléments postérieurs à l’abandon définitif du site. Ce dernier, qui n’est sans doute plus occupé de manière permanente depuis longtemps, est décrit comme ruiné au début du XVIIIe siècle. Commence alors un lent démantèlement de ce qu’il en reste, les matériaux étant récupérés en vue d’être réutilisés. Le programme de dévégétalisation et de stabilisation qui s’achève actuellement, initié au début des années 1990, marque la fin de cette longue période d’abandon et de dégradation.
Malgré des aléas inhérents à tout suivi de chantier, les principales problématiques qui ont motivé la réalisation de cette opération ont trouvé réponse. Si les dispositions d’origine du niveau supérieur de la tour restent – et resteront sans doute – largement inconnues, son dernier état a pu être documenté. Un dallage favorisant l’écoulement des eaux pluviales a été entièrement mis au jour (fig. 4). Ce niveau était alors découvert et comprenait très probablement un simple parapet. Quant à la structure en encorbellement orientale de la tour (fig. 5), il a pu être établi qu’il ne s’agissait pas d’un réaménagement mais que l’essentiel des parties supérieures de la tour avaient été mises en place dans un second temps lors de la phase de construction initiale.
Par ailleurs, ce suivi de travaux a permis de compléter dans ce secteur les observations réalisées par C. Yovitchitch dans le cadre de sa maitrise en 1997, et par G. Séraphin, auteur d’une étude archéologique annexée à l’étude préalable aux travaux de restauration établie par l’architecte P. Oudin en 2001.
Malgré tout, force est de constater que le site reste encore mal connu, une poursuite des investigations archéologiques dans le cadre du projet de mise en valeur étant souhaitable pour éviter que des données essentielles à sa compréhension ne soient irrémédiablement perdues.
Laurence MURAT