HADÈS Archéologie

Lunesse

Fiche

Résumé

Un projet de construction de centre commercial en limite nord-est de la commune d’Angoulême (16), dans le quartier de Lunesse, a entrainé la réalisation d’une fouille préventive durant l’été 2016. Situé sur des terrains se trouvant aux abords du logis de Lunesse et ayant jadis appartenu à cette demeure dont l’origine remonte à la période moderne, voire médiévale, ce projet occasionnait bien évidemment un risque archéologique. Mais, c’est par hasard, que le diagnostic archéologique a révélé les vestiges d’une occupation bien plus ancienne, datée du début de l’antiquité.

La prescription émise par le SRA concernait une superficie de 3500 m² couvrant une emprise élargie autour de deux tranchées ayant livré les vestiges maçonnés d’une probable habitation antique de plan relativement sommaire.

Malgré les nombreuses contraintes rencontrées, les résultats de l’opération ont largement dépassé les attentes. Ce sont en effet au moins quatre phases d’occupation qui ont été identifiées sur cette emprise (fig. 1).

Une occupation protohistorique, datée de la fin du 2nd Âge du Fer, a d’abord été identifiée. Celle-ci est surtout attestée par la présence abondante de céramique (au moins 20% du corpus global), essentiellement du Ier siècle av. n. è. Toutefois, ce mobilier a été quasi-exclusivement trouvé en position secondaire, dans des niveaux plus récents. Aucune structure se rattachant à cette occupation n’a donc été formellement identifiée. Les soupçons se portent néanmoins très fortement sur la présence de 185 fosses et trous de poteau, repérées sur la moitié orientale de l’emprise, et pour lesquels aucune datation n’a pu être avancée (fig. 2). Plusieurs ensembles ont été identifiés formant vraisemblablement des structures dont la nature n’est pas assurément déterminée (habitat, structures agricoles et/ou artisanales).

Dans un deuxième temps, des bâtiments maçonnés sont construits constituant le premier établissement antique. Celui-ci n’a été observé que partiellement au travers de sondages. Deux bâtiments distincts sont toutefois identifiés : pour l’un d’eux, situé au nord de l’emprise, une fonction d’habitat peut être évoquée, eu égard aux soins apportés à sa construction et à l’apparente opulence de son décor (fig. 3). Le second, situé à l’ouest, est en revanche beaucoup plus rudimentaire. Cet établissement est occupé sur le début du Haut-Empire, sans qu’aucune indication chronologique plus précise ne puisse être fournie.

Ces deux bâtiments sont détruits vraisemblablement assez rapidement et servent de fondations à l’installation d’une villa à péristyles, de plan relativement classique (fig. 4). Deux ailes d’habitation ont été dégagées dans notre emprise délimitant à l’ouest et au nord une vaste cour-jardin. Cette cour est bordée par de larges galeries, qui desservent également les pièces d’habitations de nos deux corps de bâtiments. L’aile ouest a été dégagée dans son intégralité. Elle est constituée de cinq pièces, dont l’une est chauffée par hypocauste. La vaste pièce centrale occupe une fonction de vestibule d’apparat, puisqu’une large entrée, monumentalisée par l’aménagement d’une terrasse en forme d’abside, se trouve à l’ouest et qu’elle s’ouvre directement à l’est sur la cour. L’aile nord-est moins bien conservée et plus complexe. Sa partie occidentale semble être plutôt réservée à des espaces utilitaires, tandis qu’à l’est, les constructions plus soignées font penser davantage à des pièces de vie (pièces de réceptions, chambres à coucher etc.). Malheureusement, cette aile se poursuit ensuite hors emprise ; elle y rejoint possiblement une troisième aile à l’est qui viendrait fermer la cour. Au sud, en revanche, la cour est fermée par un simple mur parcellaire qui la sépare d’un probable espace de service (hypothétiquement le début de la pars rustica). Dans ce secteur également, les vestiges se développent largement hors emprise. À l’ouest, un autre mur parcellaire vient clôturer la villa ; aucun vestige antique n’a été retrouvé au-delà. Cet édifice est semble-t-il abandonné à la fin du IIIe siècle. Il s’ensuit probablement directement une phase de récupération globale des matériaux.

Le site est par la suite complètement délaissé. Les premières traces d’occupation postérieures qui sont identifiées datent du XVIIe siècle. Elles se restreignent à l’aménagement de structures destinées à drainer le terrain et à une sépulture, partiellement conservée.

En définitive, le site de Lunesse s’avère remarquable, par la richesse de ses vestiges et la succession de ses occupations, mais surtout par le fait que la découverte de vestiges antiques dans ce secteur est une donnée inédite. Il vient en conséquence renseigner un peu plus le tableau très lacunaire de l’antique cité d’Iculisma et de son environnement proche.

Xavier PERROT