Fiche
Résumé
Le projet de construction d’une résidence par la société Urbat, au 16 de la rue Léon Tolstoï, a suscité la réalisation d’une fouille préventive en fin d’année 2015. L’objectif de cette opération s’inscrit dans une volonté de caractériser l’occupation de la marge méridionale de la vaste agglomération du second âge du Fer de Toulouse Saint-Roch. L’emprise concernée se situe de fait sur le bas de versant des coteaux du Pech David, à environ 200 m à vol d’oiseau au sud de la caserne Niel. Du 18 septembre au 25 novembre 2015, 47 structures ont été mises au jour sur une superficie d’environ 1865 m2. Ces vestiges se sont avérés très difficilement perceptibles au sein de la couverture colluviale du substrat molassique. La fouille a en définitive permis de documenter l’occupation et la mise en valeur du bas de versant des coteaux du Pech David depuis une période antérieure à l’âge du Fer jusqu’à l’époque contemporaine.
Une occupation antérieure à l’âge du Fer est tout d’abord attestée par de petits fragments épars de céramique non tournée issus de la formation colluviale sous-jacente au niveau dans lequel apparaissent les vestiges du IIe siècle av. J.-C. Ce mobilier, manifestement remanié par l’érosion du versant, pourrait être attribué au Néolithique ou à l’âge du Bronze.
Par la suite, l’emprise étudiée fait l’objet d’une importante occupation à la fin du second âge du Fer attestant sa situation sur la marge méridionale de l’agglomération de Saint-Roch qui se développe, durant le IIe siècle av. J.-C., au sud de la ville actuelle de Toulouse, sur près de 70 ha.
Les vestiges de la première phase d’occupation (175‑150 av. J.-C.) prennent place sur une large moitié nord-est de l’emprise fouillée. S’y développent alors trois fossés et deux fosses. Ces vestiges montrent que, dès sa création, ou du moins dès le début de son développement, l’agglomération de Saint-Roch s’est étendue jusqu’au pied du Pech David. Au sein de l’emprise fouillée prennent place une zone d’habitat ainsi qu’au sud-ouest de celle-ci, des ateliers métallurgiques, l’espace étant structuré par les fossés mis au jour. Certains éléments de culture matérielle issus des deux fosses attribuées à cette occupation initiale suggèrent que des négociants d’origine méditerranéenne, peut-être même massaliète, ont sans doute été présents au sein de l’agglomération de Saint-Roch.
La deuxième phase d’occupation (150‑125 av. J.-C.) concerne les deux tiers nord-est de l’emprise étudiée sur lesquels ont été mis au jour quatre fossés et un puits. L’occupation du troisième quart du IIe siècle av. J.-C. se situe dans la continuité de la période précédente ; perdurent ainsi la structuration de l’espace par des fossés ainsi que la coexistence d’une zone d’habitat et d’ateliers métallurgiques se situant sur la marge sud-ouest de celle-ci.
Le puits du troisième quart du IIe siècle av. J.-C., initialement destiné à l’approvisionnement en eau, fait l’objet un certain temps après son abandon, d’un dépôt rassemblant deux amphores et neuf céramiques.
Les structures du dernier quart du IIe siècle av. J.-C. se concentrent, quant à elles, dans une large partie centrale de l’emprise fouillée. Ont été attribués à cette troisième phase, un fossé, une fosse et deux puits. Entre 125 et 100 av. J.-C., l’occupation du 16 de la rue Léon Tolstoï conserve une emprise et une structuration comparable à celles de la période précédente. Toutefois, son organisation spatiale n’est désormais plus matérialisée par des fossés. L’activité artisanale se diversifie au cours de cette phase (métallurgie du bronze et de l’or, travail de l’os et de la corne et production d’objets en roches noires). Une urne mise en place au sein de l’un des puits, postérieurement à sa désaffection, pourrait correspondre à un dépôt.
Enfin, la quatrième et dernière phase d’occupation n’a pu être mise en évidence qu’à partir d’un nombre particulièrement restreint de structures, un fossé et une fosse en l’occurrence. Elle peut être datée des environs de 100 av. J.-C., notamment sur la base de la présence inédite pour l’agglomération de Saint-Roch de deux amphores de type Dressel 1B. Au tournant des IIe et Ier siècles av. J.-C., la limite méridionale de l’agglomération gauloise pourrait avoir été matérialisée par un fossé d’assez grande taille. L’occupation du 16 de la rue Léon Tolstoï ne paraît pas alors connaître de développement notable. Habitat et ateliers métallurgiques se partagent à nouveau l’espace occupé, les activités artisanales étant sans doute à nouveau reléguées sur sa marge méridionale.
Après l’abandon de l’agglomération gauloise au tout début du Ier siècle av. J.-C., il faut attendre la période augustéenne pour que le site soit à nouveau fréquenté. Sont alors aménagées deux, voire sans doute trois, tranchées qui pourraient avoir été destinées à l’implantation de palissades. Peut-être a-t-on ici le témoignage de la structuration d’un espace désormais rural dans la cadre de sa mise en culture.
Postérieurement à l’époque augustéenne, l’étude géomorphologique témoigne d’un reboisement rapide des versants du Pech David et du maintien d’un couvert arbustif sur une longue période. La partie basse du site n’est de fait remise en culture qu’au cours de l’époque moderne comme en témoignent les vestiges d’une vigne pouvant être datée de cette période. Si l’existence de vignobles en périphérie de Toulouse est bien documentée par les archives médiévales et modernes, leur attestation archéologique est, à notre connaissance, inédite.
Enfin, le site du 16 de la rue Léon Tolstoï est concerné, sans doute durant l’époque contemporaine, par l’activité des briqueteries dont le développement sur les coteaux du Pech David est attesté dès le XVIIIe siècle par les archives cadastrales de la ville de Toulouse. À l’extrémité sud-ouest de l’emprise fouillée a ainsi été mise en évidence une vaste fosse sans doute vouée à l’extraction de molasse.
Julien VIAL