HADÈS Archéologie

Église souterraine monolithe Saint-Jean

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Fiche

Résumé

L’église souterraine d’Aubeterre en Charente a fait l’objet de deux cam­pagnes d’études (en 2008 et 2010) des phases de creusement de l’édifice. Il s’agissait de déterminer les procédés d’extraction ayant permis de réali­ser ce monument souterrain ambitieux, de comprendre les aménagements liturgiques et funéraires laissés en relief dans le rocher et de renseigner les différentes phases d’aménagements et de fonctionnements du sanctuaire.

Cette campagne de travaux intervenait dans le même laps de temps que l’étude préalable de l’architecte en chef des monuments historiques, simul­tanéité qui a permis de mutualiser une partie des moyens et des réflexions. Ainsi, un relevé scanner en trois dimensions a été réalisé pour bénéficier d’une technologie de pointe (fig. 1) pour le relevé topographique de l’en­semble des parois intérieures et la réalisation de coupes transversales et longitudinales. Ces documents graphiques ont été utilisés pour replacer les observations archéologiques de chaque fait recensé. Par ailleurs, une véri­fication de plans anciens (fig. 2), notamment une photogrammétrie du sol de l’église réalisée en 1974, a été engagée et a permis de corréler et cor­riger plusieurs détails planimétriques. On dispose donc désormais d’une base graphique suffisante et sûre, bien que certains points difficiles d’accès nécessitent encore quelques compléments topographiques, pour engager les réflexions archéologiques sur le monument. Celles-ci permettent de donner une nouvelle lecture de la conception de l’ouvrage. Le creusement a été envisagé au cours d’une seule et même campagne de travaux, mais en plusieurs espaces distincts. Ces différents espaces, tous creusés dans la falaise calcaire, participent d’un programme liturgique visant à mettre en valeur des reliques issues de Terre sainte et très probablement de Jérusalem. Le nom des commanditaires de l’église souterraine d’Aubeterre a été envi­sagé en regardant le contexte historique local et régional entre le milieu du XIe et le milieu du XIIe siècle. C’est le vicomte Pierre de Castillon, seigneur éminent présumé du château d’Aubeterre établi au-dessus du monument et l’évêque de Périgueux Renaud de Thiviers, qui furent très probablement à l’origine du monument dans les premières années du XIIe siècle. Ces per­sonnages sont attestés dans les chroniques médiévales pour avoir participé à la première croisade. Le vicomte de Castillon pourrait avoir aussi com­mandité le creusement de l’église souterraine de Saint-Émilion en Gironde qui possède les mêmes caractères que celle d’Aubeterre. Cette période de mise en œuvre est corroborée par des éléments de datation acquis par une analyse dendrochronologique sur un cercueil monoxyle daté du début du XIIe siècle (fig. 3) et par des analyses au 14C, en particulier sur une sépulture primitive.

Les observations et les interprétations qui ont pu être menées à Aubeterre dévoilent une dévotion du sanctuaire au Sauveur : parmi les six fosses reli­quaires excavées dans le rocher, deux font référence directe à la Passion du Christ (reliquaire de la Croix et reliquaire du Tombeau – fig. 4), les autres sont des fosses ayant pu abriter des éléments venant compléter un chemi­nement à l’intérieur du monument en plusieurs stations de prières. Ce sont en effet cinq espaces qui ont été identifiés et étudiés. Un vestibule d’entrée transformé en cimetière souterrain, où les recherches ont porté plus parti­culièrement sur les ossements issus des tombes rupestres et des ossuaires. Un espace martyrial où est mis en valeur un monument singulier : un édi­cule monolithe imitant le tombeau du Christ. Un espace basilical composé d’une nef de cinq vaisseaux et du choeur liturgique (fig. 5) ainsi que d’un chapitre canonial attesté dès 1155 et qui perdura jusqu’en 1790. Une crypte dotée d’une fosse reliquaire et d’un autel et enfin une galerie haute qui a été le point de départ du creusement de l’église et qui a été raccordée à la basse-cour du château par un souterrain de communication.

Jean-Luc PIAT