HADÈS Archéologie

Maison Gentein

Fiche

  • Responsable : Jean-Luc PIAT
  • Période de fouille : 2009
  • Localité : Ordiarp (Pyrénées-Atlantiques)
  • Type d’opération : 
  • Période :  ,
  • Agence : ATLANTIQUE

Résumé

Dans le cadre des travaux de rénovation de l’ancienne maison forte de Gentein (Fig. 1) par ses propriétaires actuels, une opération de fouille archéolo­gique préventive a été prescrite par le service régional de l’Archéologie, pour orienter les choix de restauration et garder mémoire de l’état de l’édifice. La mission, confiée au bureau d’étude Hadès, en association avec l’architecte du patrimoine Étienne Lavigne, était donc de précéder les travaux de dégagement des sols et des élévations pour réaliser l’ob­servation archéologique des maçonneries et des niveaux d’occupation de l’ancienne résidence d’une famille aristocratique de la Soule – les barons de Jaunte –, attestée dès le XIe siècle dans la documentation écrite. L’édi­fice actuel, de plan rectangulaire, conserve des élévations médiévales, remaniées aux époques moderne et contemporaine et des soubassements arasés mais visibles à l’extérieur. La méconnaissance archéologique et historique de cette construction a constitué l’enjeu de l’étude : il y avait là potentialité à documenter la typologie constructive et fonctionnelle d’une résidence aristocratique en Soule, son site d’implantation et son environ­nement proche, et sa chronologie de construction.

Une étude archéologique du bâti, appuyée sur des relevés d’architecte, des relevés topographiques et orthophotographiques, des relevés détaillés des maçonneries, a été engagée. Par ailleurs, un sondage archéologique a été réalisé à l’extérieur du bâtiment, sous la forme d’une tranchée au pied de la façade nord, afin d’observer des maçonneries arasées établies quelques mètres en avant. Après la dépose d’une partie des planchers anciens de la maison, des sections de solives ont été prélevées pour analyse dendrochro­nologique. Enfin, une étude historique du site et de son contexte d’implan­tation a été conduite.

L’ensemble de ces travaux fait apparaître la maison forte de Gentein comme un édifice en moyen appareil calcaire d’assises régulières établi dans le courant du XIVe siècle, plus certainement dans sa seconde moitié. C’est à cette époque, en 1382, que Pierre de Laxague reçoit l’autorisation du roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine de surélever sa maison de pierre de chaux dans sa terre de la salle de Gentein en Soule. Sa situation, au confluent des deux ruisseaux de l’Arangoréna et du Saison, confère à l’ou­vrage une position de contrôle au débouché des deux vallées. Or, aucune trace de cette surélévation n’a été mise en évidence parmi les vestiges datés du XIVe siècle. En effet, les éléments de bâti observés pour la première phase de construction consistent en une baie à coussiège, une niche de latrines sur console, des fentes d’archères droites sans étrier et des portes en arc brisé en rez-de-chaussée et étage, caractéristiques des édifices bien datés du milieu du XIVe siècle que l’on édifiait au même moment dans le Bordelais. L’originalité de la maison forte de Gentein est d’avoir disposé d’un mur d’enceinte, aujourd’hui presque totalement arasé, mais repéré en élévation et bien identifié à partir d’un sondage qui confirme sa contemporanéité avec la maison forte. Ce mur de ceinture devait protéger les accès du rez-de-chaussée et du premier étage. Ce niveau était desservi par une galerie extérieure et une possible échelle de bois escamotable. Un deuxième étage a pu exister, mais une rehausse des murs plus tardive d’un siècle en a visi­blement tronqué les dispositions.

Les niveaux de planchers primitifs ont été modifiés entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle. De nouvelles baies à croisées ont été ouvertes sur la façade nord et surtout dans le pignon oriental à chacun des trois niveaux d’étage alors établis. La documentation écrite indique qu’à cette période la maison de Gentein est passée dans les mains de la famille noble d’Ursua, originaire de Navarre, et qui aurait entrepris des travaux d’amé­lioration de la bâtisse.

Une troisième phase de réfection, entre les XVIIe et XVIIIe siècles, est iden­tifiée au travers du percement de nouvelles baies sur les façades nord et sud et le bouchage d’ouvertures plus anciennes. Entre les XIXe et XXe siècles, le corps principal s’est adjoint de bâtiments annexes tournés vers l’exploi­tation agricole et un nouveau logement s’y est accolé avec le confort nécessaire à la résidence des exploitants. Le mur d’enceinte a été abattu et la salle de Gentein est restée inhabitée jusqu’aux récents travaux enclenchés par les nou­veaux propriétaires pour y établir leur domicile.

On ignore encore où se localise le domaine primitif de cette famille de Gentein, attestée dès le XIe siècle, et quel rôle il a joué dans la structuration du terroir. La documentation met en évidence son influence dans l’enca­drement des hommes. L’actuelle maison forte de Gentein, connue à partir de la fin du XIVe siècle, en serait-elle une émanation ? Elle constitue en tout cas un jalon architectural remarquable dans les programmes des petites résidences aristocratiques médiévales du sud-ouest de la France, en résonnance avec des exemples bordelais mais aussi navarrais.

Jean-Luc PIAT