Fiche
Résumé
La maison Messidan est un édifice civil classé au titre des Monuments Historiques depuis 1889, qui se trouve dans la partie sud-ouest de la ville médiévale de Saint-Macaire, au sud-est de Bordeaux, dans la vallée de la Garonne. Elle suscite depuis plus d’un siècle et demi l’intérêt des archéologues, historiens et historiens d’art, en raison notamment de sa cave voûtée en ogives (fig. 1). Elle se trouve au no 15, rue Amiral Courbet, ancienne rue Rendesse, dans un faubourg du même nom, vraisemblablement créé au moment de l’expansion urbaine de Saint-Macaire au XIIIe siècle. Toutefois, en dépit des observations faites par plusieurs chercheurs, importantes et riches d’enseignements, l’étude de cette maison est innovante puisqu’elle n’a jamais fait l’objet d’une analyse archéologique de bâti. Faisant l’objet d’un projet de restauration par son propriétaire actuel, la Conservation des Monuments Historiques d’Aquitaine a souhaité qu’une étude préalable aux travaux de restauration soit réalisée afin d’orienter les choix et partis pris architecturaux. Deux types d’investigations étaient à mener. Deux sondages devaient être réalisés dans la cave voûtée de l’édifice, afin de retrouver les sols initiaux. Les investigations devaient ensuite porter sur l’analyse des maçonneries internes et externes, depuis les niveaux de cave et sur toute l’élévation, afin de mettre en évidence les grandes phases de construction de l’édifice ainsi que les éléments remarquables dont l’ancienneté mérite une conservation et/ou une mise en valeur. La finalité de l’ensemble de ces investigations est de proposer un phasage global de la construction ainsi que, dans la mesure du possible, d’en proposer une datation.
Composé d’un corps de bâti principal et de plusieurs ruines gisant dans la cour, le site se révèle particulièrement compliqué à appréhender en raison des différents mouvements parcellaires entre les nos 15, 13 et 11 rue Amiral Courbet. C’est ce que confirme également l’étude documentaire de O. Lescorce, qui a mis en évidence le nombre important de propriétaires qui se sont succédé ou ont possédé simultanément un même bâtiment. Au niveau strictement archéologique, quatre bâtiments ou maisons ont occupé les nos 15 et 13 de la rue Amiral Courbet. Il est impossible de ne pas considérer l’actuel no 13 dans l’appréhension de la maison Messidan et des ruines sises dans la cour parce qu’elle correspond au premier bâtiment construit et que la maison Messidan en est une extension du XIVe siècle. La moitié orientale de la cour était occupée par une habitation qui semble s’installer avant la maison Messidan (Maison 2). Elle est venue s’appuyer sur les grandes arcades aveugles actuellement visibles qui correspondaient initialement à la façade, sur cour peut-être, d’un bâtiment situé dans le jardin de l’actuel no 11. Ces dernières étaient déjà venues s’ajouter comme ornement sur la façade. La maison 2 ne conserve que ses murs nord et est. Le mur sud est tellement arasé qu’il n’apporte quasiment aucune indication et le mur occidental est arraché. Sa physionomie est de fait très difficile à appréhender, en raison évidemment de la destruction de la moitié de ses murs, mais aussi des divers remaniements qui affectent considérablement la lecture des murs restants. On sait simplement qu’elle est édifiée au XIVe siècle, probablement très peu de temps avant la maison Messidan, et qu’elle comportait un rez-de-chaussée et un étage auxquels on accédait vraisemblablement directement par la cour puisque deux portes, certes en grande partie détruites, en témoignent. Un escalier, probablement plaqué contre la façade, devait mener au 1er étage. La maison était dotée d’une fenêtre en plein-cintre. La partie sud du mur est construite ensuite plus tardivement, peut-être au XVe siècle, et une seconde fenêtre en plein-cintre y est aménagée. On ne sait si cet état correspond à une reconstruction liée à une destruction peut-être partielle de la maison ou s’il s’agit d’une extension. La maison Messidan est quant à elle construite dans le courant du XIVe siècle. Elle se dote par ailleurs d’ouvertures assez similaires à celles observées sur la maison 2 (fenêtres couvertes d’un arc en plein cintre à l’intérieur, à linteau droit à l’extérieur, et portes surmontées d’un arc brisé à l’intérieur et d’un plein-cintre à l’extérieur). à cette maison est jointe au même moment une cave voûtée en ogives. Comportant vraisemblablement une cave, un rez-de-chaussée, un premier étage et un niveau de combles, cette maison correspond à une extension de la maison du no 13, comme l’atteste l’insertion de portes de circulation entre les deux corps bâtis.
à l’arrière de la maison, dans la moitié ouest de l’actuelle cour, on ne parvient que difficilement à déterminer ce qu’il se passe. Un mur clairement contemporain de la maison Messidan est peut-être dans un premier temps construit pour clôturer la cour sur la rue de Corne, d’autant qu’à l’époque se trouve, dans cette ruelle, une des issues de la ville qui mène au rempart. Néanmoins, l’insertion d’une fenêtre à traverse (1/2 croisée) de hauteur importante et l’empreinte d’un premier solin sur la façade sud de la maison Messidan permettent de proposer l’hypothèse qu’il y ait eu ici une première maison édifiée, peut-être autour du XVe ou XVIe siècle, et qui sera « assez rapidement » ruinée puisque dans les années 1650, la maison 4, qualifiée de maison neuve dans la documentation d’archives, est construite. On pourrait aussi envisager que cette fenêtre soit en remploi dans la maison de 1650. Cette dernière correspond vraisemblablement à l’extension de la maison 2, puisque en 1650 le propriétaire est le même pour les deux emplacements. à ce moment là, les portes de la maison 2 servent probablement à la circulation entre les deux bâtiments. Peu avant 1690, elle est détruite par un incendie et vraisemblablement jamais reconstruite. Au XVIIe siècle également, la maison Messidan est surélevée, scindée en deux par un mur dans lequel des portes sont insérées à chacun des trois niveaux. On pourrait trouver une explication à cela dans l’indivision de la maison entre deux sœurs en 1653. Il est probable que ces portes correspondent à celles d’un escalier à vis permettant de desservir la moitié sud de la maison. Deux nouvelles ouvertures, couvertes d’une platebande, sont installées côté cour. Ce n’est probablement qu’au XIXe siècle, après 1862 si l’on se fie à la gravure de Léo Drouyn, que les fenêtres et portes à la française sont insérées dans le bâtiment en remplacement des ouvertures plus anciennes et d’origine pour la plupart. La maison 2 reste occupée vraisemblablement jusqu’en 1847 au minimum, puisqu’elle est encore référencée comme maison, et non comme ruine, possédant deux portes ou fenêtres ordinaires dans le cadastre. En revanche, la gravure de Léo Drouyn la représente en ruine en 1862. Les grandes arcades de la façade qui donnent aujourd’hui sur la cour y sont représentées sur deux niveaux et correspondent au mur ouest de la maison du no 11 qui occupe une partie de l’actuel jardin de cette demeure. La maison 4 en revanche est répertoriée comme cour en 1820, ce qui tend à confirmer qu’elle n’a jamais été reconstruite.
La place de la maison Messidan dans le faubourg Rendesse reste plus complexe à déterminer. Elle semble participer à la mise en place du nouveau rempart, dont elle pourrait être contemporaine puisque selon D.-A. Virac, il est édifié dans la deuxième moitié du XIVe siècle. L’installation des poternes de la rue de Corne, lesquelles sont adossées à la maison, semble également aller dans ce sens. Leur typologie reste d’ailleurs assez proche de celles des ouvertures originelles de la maison. Cependant, aucun élément du bâti ne permet de supposer qu’il s’agisse réellement d’une maison forte, d’autant que les murs paraissent relativement peu épais (58 cm en moyenne) et qu’elle ne présente aucun élément clairement défensif. Il n’en demeure pas moins que la physionomie de la maison évoque un peu celle d’une tour et que les ouvertures y sont, à l’origine, assez peu nombreuses. Par conséquent, la place de l’édifice dans le faubourg semble importante. L’absence de cheminées construites au Moyen Âge se surajoute au sentiment qu’initialement, cet espace n’est pas forcément un lieu destiné au stockage. Cela reste toutefois difficile à étayer.
Les différents sièges subis par Saint-Macaire (1377, 1420 et 1562) n’ont pas laissé de traces immédiatement identifiables, de même que les activités essentiellement viticoles de la maison Messidan. Seule la structure en briques, non datée, mise au jour dans la cave pourrait être en rapport. Cependant, sa fonction précise n’ayant pu être déterminée, cela reste difficile à confirmer.
Cecilia PEDINI