Fiche
Résumé
Dans la perspective d’une revalorisation du patrimoine historique de Grignols, l’association Mémoire du Comté de Grignols est récemment devenue propriétaire des parcelles nos 137 et 175 de la section AP dite du bourg de Grignols. Son intention est de transformer une construction en « maison du patrimoine Talleyrand Périgord ». Auparavant, un aménagement des abords s’avère nécessaire pour sécuriser différentes élévations, l’une d’elles étant identifiée comme un vestige de l’enceinte du barri. Le Service régional de l’Archéologie d’Aquitaine est donc intervenu pour établir le cahier des charges d’une opération de fouille et de relevés sur l’enceinte du barri.
L’opération archéologique n’a donné lieu à aucune recherche en archives. Le contexte historique est particulièrement bien connu grâce à l’audit documentaire réalisé par Christian Remy entre 2009 et 2013. L’auteur a consenti à nous transmettre une version inédite de son rapport afin d’enrichir notre perception du site.
En l’état des connaissances, les relations stratigraphiques et indices chronologiques permettent de déterminer sept phases d’évolution de ce secteur de Grignols.
En phase 1, la topographie de l’ensemble des secteurs étudiés est marquée par l’extraction de roche. Les exploitants semblent avoir tiré profit des strates géologiques sans volonté d’établir un cadre à des constructions ultérieures, ni même une ligne de défense. En dernier lieu, l’extraction a sans doute fourni la matière pour la construction de l’enceinte du barri.
À défaut d’éléments carbonés datables, la datation absolue de la fortification (phase 2) est actuellement impossible. Les procédés de construction ne sont pas suffisamment discriminants. En l’état des connaissances archéologiques, il est seulement permis d’énoncer une antériorité à la construction de la maison et à celle des latrines. En effet, l’observation des parements confirme que le tronçon d’enceinte conservé dans la parcelle no 137 se poursuit dans la no 175. Il est alors intégré à la façade sud de la maison. Au total, cette courtine homogène mesure près de 26 m de long. Elle s’élève jusqu’à 6,40 m de haut. Aucun vestige ne suggère un dispositif de flanquement, ni même la présence d’ouvertures de tir au niveau du sol. La défense était passive ou dépendait de structures couronnant le mur. De ce point de vue, l’identification d’une fente verticale associée à un placard mural pourrait apporter des informations inédites.
Les raisons qui ont présidé à l’implantation de l’enceinte demeurent inconnues. L’espace observé intra-muros est vierge de constructions et d’indices d’occupation médiévale. Le secteur semble délaissé après l’interruption des extractions de roche. S’agirait-il d’une plaidura en attente de lotissement ? La question renvoie à celle du commanditaire ; or celui-ci demeure inconnu. Néanmoins, l’homogénéité de l’élévation favorise l’hypothèse d’une construction rattachée au programme de défense collective émanant d’un accord conclu en 1337. Les termes de l’accord imposent une hauteur de 10 pieds, soit environ 3 m, et un couronnement en chemin de ronde continu fait en planches, lequel doit desservir des créneaux. Seule l’identification de la fente et du placard mural permettra d’élucider la question d’une ouverture de tir.
L’insertion d’une structure en encorbellement sur la courtine n’a pu être interprétée, datée, ni même rattachée à un contexte stratigraphique (phase 3). Ainsi, il est impossible de trancher entre un réaménagement de la fortification ou l’installation de latrines ou tout autre structure liée à l’habitat.
À défaut de marqueurs chronologiques, le premier indice d’une occupation intra-muros serait une construction rudimentaire en partie excavée (phase 4). L’ensemble est difficilement interprétable comme une unité d’habitation. L’hypothèse d’une dépendance serait à privilégier. Les tessons de céramique trouvés dans les divers contextes ne seraient pas antérieurs au XIVe siècle.
La phase suivante correspondrait à la construction d’un édifice dont la fonction résidentielle est suggérée par l’adjonction de latrines (phase 5). L’une de ses ouvertures entérinerait en partie la fonction défensive de l’enceinte du barri. La typologie de cette porte et les lots de céramique, notamment des formes complètes trouvées dans les latrines, orientent les hypothèses de datation vers les XVIe et XVIIe siècles (fig. 1).
Les raisons et la période exacte de la destruction des latrines demeurent indéterminées (phase 6).
Certaines élévations de l’actuelle maison apparaissent liées à l’aménagement de nouvelles baies, en particulier la façade occidentale (phase 7). Leur mise en œuvre se caractérise par l’emploi d’un calcaire au grain plus fin, sans doute importé de carrières externes au bourg de Grignols. À partir de cette période, l’occupation de la parcelle n° 137 semble limitée à des activités agricoles.
Patrick BOUVART