Fiche
Résumé
La commune d’Utelle (06) possède un patrimoine architectural très important et néanmoins méconnu. L’église Saint-Véran a fait l’objet de très peu d’études en dépit du grand intérêt qu’elle présente. S’il est évident au premier regard qu’elle a connu de nombreux remaniements, aucune investigation n’a réellement été menée jusqu’à aujourd’hui afin d’en préciser les étapes. L’église est constituée d’une large nef à quatre travées, flanquée de collatéraux et suivie d’un chœur. L’édifice initial aurait été couvert d’une simple charpente ; les voûtes auraient été ajoutées au XVIIe siècle et les murs repris au même moment. Seul le mur ouest du collatéral sud appartiendrait à l’édifice initial. Ce dernier peut être daté approximativement du XIVe siècle grâce à la présence d’une baie étroite en plein-cintre et d’une porte en « cintre brisé (…) amortie par un linteau posé sur deux corbeaux moulurés d’un cavet, surmonté d’un tympan orné d’une croix et encadré par un cordon taillé à trois facettes ». Les bacini qui sont disposés en croix au-dessus de la porte en « cintre-brisé » sur le mur occidental du collatéral sud ont fait l’objet d’une étude en 1986 (Nicolaï, Vallauri 1986, p.103). En dépit des différences observées dans les techniques décoratives et des variantes de profil, elles avaient été rapprochées des productions islamiques des XIe et XIIIe siècles.
De ce fait, l’ajout des collatéraux devrait dater au plus tard du XIVe siècle, mais J. Thirion (Thirion 1952, p.35) évoque néanmoins la possibilité que cette porte soit insérée dans une maçonnerie plus ancienne. Le portail de l’église, ouvert dans le mur nord du collatéral nord serait antérieur à 1542 (vantaux) et le grand porche voûté à liernes et tiercerons remonterait au premier tiers du XVIe siècle tout comme les chapiteaux que J. Thirion compare à ceux de l’église de Tende.
Selon L. Thevenon, le plan basilical, les colonnes et les chapiteaux feraient remonter l’édifice au XVe ou au XVIe siècle et les parties hautes de l’église auraient été intégralement refaites au XVIIe siècle (Thevenon 1992, p. 22). Néanmoins, outre ces éléments très particuliers, aucune étude n’a jamais porté sur les parements extérieurs pourtant riches d’informations. De même, l’observation des charpentes de la nef et des collatéraux livre nombre d’indications sur les évolutions de l’édifice.
À la suite de nombreux désordres et infiltrations d’eau, la municipalité et les Monuments historiques ont lancé une importante campagne de restauration de l’église Saint-Véran. Cette dernière porte d’abord sur les charpentes de la nef et des collatéraux, afin de mettre l’édifice hors d’eau. Il nous a donc été demandé de procéder à un relevé et à une étude archéologique de la charpente de la nef avant sa restauration ainsi qu’à des prélèvements de bois dans le but d’obtenir une datation par dendrochronologie. Cette dernière n’a malheureusement pas permis de fournir de date d’abattage pour ces bois. Une chronologie flottante a tout de même pu être déterminée pour huit d’entre eux. Les analyses xylologiques ont, en revanche, permis de déterminer que le bois employé est, en grande majorité, du châtaignier, à l’exception de deux éléments (US 1101 et 802) qui correspondent à de l’épicéa ou du mélèze (Larix/Picéa) et d’un autre (US 1004) provenant plus assurément d’un épicéa (Picéa). L’absence de date fournie par la dendrochronologie s’explique par l’absence de référentiel pour ces essences dans cette zone géographique.
La charpente de la nef de l’église d’Utelle a connu plusieurs remaniements depuis l’époque moderne. La partie la plus ancienne (état I) correspond à la mise en place d’une charpente antérieure à la voûte. Les entraits sont pris dans la maçonnerie de la voûte et les bois qui y sont liés (jambes de force ou entraits retroussés) semblent avoir été sciés au moment de la mise en place des nouveaux entraits et des nouvelles fermes au cours de l’état II. Ce dernier pourrait être lié non seulement à l’installation de la voûte (XVIIe siècle ?) mais aussi à l’ajout du chœur. Néanmoins, ces nouvelles fermes ont vraisemblablement été créées à l’aide de bois de récupération comme tend à l’indiquer la présence d’encoches vides, les diverses adaptations que l’assemblage des pièces a nécessité et la présence d’essences de bois différentes. Ces nouvelles fermes, triangulaires et composées d’un entrait, d’un poinçon, de deux arbalétriers et d’un faux-entrait, ont exercé des charges considérables sur la voûte, sur laquelle plusieurs entraits reposent. Cela pourrait expliquer l’insertion, au cours de l’état III, de liens (jambettes ou poteaux) entre les entraits pris dans la voûte et les nouveaux, entre les entraits et faux-entraits, souvent à la jonction de l’assemblage avec les arbalétriers. On note par ailleurs que le poinçon de l’EA 06 a été doublé, peut-être au même moment (US 602). Enfin, le dernier état (état IV) est une phase très récente au cours de laquelle certaines fermes ont été refaites intégralement ou presque. Aucune ferme ne livre aujourd’hui de pannes ou d’échantignolles anciennes ; toutes ont été changées. Il reste difficile, en dehors de ces simples remarques, de proposer une datation absolue des différentes phases de construction de la charpente, en raison de l’absence d’étude archéologique de l’église dans son ensemble. L’étude des maçonneries pourrait permettre de relier les mouvements de toiture aux différentes phases de construction et de remaniements de l’église Saint-Véran. Les façades extérieures, et particulièrement les parements ouest et nord, livrent dès le premier regard les traces de nombreuses reprises, d’ajouts et d’évolution de l’édifice qui mériteraient une analyse fine.
Cécilia Pedini