Fiche
Résumé
La fouille réalisée en 2010 au 16-18 rue des Pénitents Blancs à Toulouse a été prescrite par le Service Régional de l’Archéologie de Midi-Pyrénées en amont d’un projet de construction de logements avec parking souterrain par la société Kaufman & Broad. Cette opération archéologique préventive offrait la possibilité de documenter l’occupation ancienne d’un quartier intra-muros méconnu de l’est toulousain, notamment en raison des bouleversements qu’il a connus lors des grands travaux de rénovation urbaine des années 1960 et 1970.
Les vestiges les plus anciens découverts sur le site sont contemporains de la création de la ville romaine, à la fin du règne d’Auguste ou au cours de celui de Tibère, époque à laquelle une importante dépression est remblayée pour niveler le terrain en partie occidentale de l’emprise. Ces remblais servent à asseoir les fondations d’un bâtiment de plan carré, mesurant 8,40 m de côté et doté de puissantes substructions. Il est longé en partie est par un espace de circulation, lui-même bordé par un petit fossé (fig. 1) et que nous proposons d’interpréter comme le dernier cardo oriental de la ville. Entre cet empierrement et le rempart du Haut Empire situé à environ 30 m de l’emprise de fouille, les traces d’occupation sont plus diffuses et se résument à quelques trous de poteau et à une fosse dépotoir.
L’Antiquité tardive marque un abandon de la voirie et une réorganisation totale des constructions. Deux murs perpendiculaires, bâtis dans l’axe de la rue, correspondent à un nouveau bâtiment dont l’orientation n’est plus du tout la même que celle des constructions de la ville du Haut Empire. Elles délimitent un espace intérieur, à peu près vierge de tout vestige contemporain, et un espace extérieur où se développe une série de fosses dépotoirs. La plus grande d’entre elles est reliée à un drain peut être destiné à assainir le secteur. Toutes ces fosses sont semble-t-il comblées au plus tard durant le VIe siècle, en même temps que sont détruites les constructions.
Un important hiatus sépare cette phase de la suivante, datée du bas Moyen Âge.
En effet, à l’exception d’un silo d’époque carolingienne, aucun vestige ne permet de documenter les périodes situées entre le VIe et le XIIIe siècle. Au cours de cette troisième phase, des habitations se mettent en place et se développent peu à peu sur la parcelle. Hormis quelques rares constructions, l’occupation est essentiellement perceptible à travers des fosses dépotoirs, des puits, des silos (fig. 2) et des fosses de latrines qui correspondent à une partie des équipements de la maison. Ces excavations sont régulièrement comblées et parfois curées, ce qui nous permet de suivre l’évolution du site et de déterminer que l’occupation se densifie à partir du XIVe siècle.
À la charnière entre les époques médiévale et moderne, le terraines exhaussé par un apport de remblais, suivi de la construction de plusieurs bâtiments dessinant un parcellaire en lanières qui s’étire entre la place des Pénitents Blancs, au nord-ouest de l’emprise, et le rempart situé à l’est. Il s’agit d’édifices dont seules les parties enterrées ont été observées à la fouille : caves avec sols en galets, fosses septiques maçonnées (fig. 3). L’observation et l’étude du plan montrent une organisation bipartite des habitations, qui s’ouvrent sur la rue et sont dotées de jardins ou de cours à l’arrière. Elles ne connaissent qu’une évolution lente jusqu’à l’époque contemporaine, avant la réorganisation du quartier Saint Georges. Cette opération urbaine d’envergure, initiée dans les années 1960, était destinée à remplacer des habitations devenues insalubres par de nouvelles constructions qui pourraient accueillir une population renouvelée, des commerces et des bureaux. En 1965, la parcelle étudiée lors de la fouille de 2010 accueille un bâtiment de France Télécom, dont la construction est à l’origine de la disparition d’une grande partie des vestiges archéologiques dont nous n’avons bien souvent pu percevoir que des lambeaux.
Malgré cela, l’opération préventive du 16 18 rue des Pénitents Blancs a permis d’éclairer l’histoire d’un quartier à plusieurs titres. En premier lieu, elle a montré que ce secteur marécageux a été loti dès les premiers temps de la ville romaine, et ce au prix d’importants travaux d’assainissement. Ensuite, comme en de nombreux points de la ville, la période située entre le IVe et le VIe siècle est celle d’une réorganisation urbaine qui traduit les mutations de l’Antiquité tardive, avec notamment l’installation de la royauté wisigothique à Toulouse. Pour les phases les plus récentes, à partir du XIIIe siècle, l’étude a permis de mettre en évidence la lente évolution d’un quartier résidentiel jusqu’à nos jours. Grâce aux recherches documentaires, il apparaît que ce secteur de Toulouse était peuplé de gens modestes, commerçants et petits artisans, poussés hors de la ville à partir des années 1960.
Julien OLLIVIER