Fiche
Résumé
La commune de Préserville est située à une quinzaine de kilomètres au sud-est de Toulouse, sur la frange occidentale du Lauragais. Les parcelles concernées par cette opération, préalable à la création d’un lotissement, occupent un petit vallon distant du village actuel de quelques centaines de mètres. Le diagnostic, réalisé par l’INRAP en 2004, avait principalement révélé la présence de fosses interprétées comme des silos datés des Xe-XIIe siècles. Trois concentrations principales, définies comme des « aires d’ensilage », avaient été localisées. Ces résultats ont incité le service régional de l’Archéologie (DRAC de Midi-Pyrénées) à prescrire une fouille archéologique préventive. Celle-ci a porté sur les trois zones les plus denses repérées lors de l’évaluation (fig. 1).
La zone principale (zone 1) est située au sud-ouest de l’emprise du projet, dont elle occupe la partie la plus plane et la plus élevée. D’une superficie de 3000 m2 environ, elle correspond à la « fenêtre » la plus vaste ouverte lors de l’intervention. Elle regroupe la majorité des vestiges découverts, soit près de 150 structures. Il s’agit principalement de silos excavés (fig. 2) dont l’état de conservation est assez variable. La fouille a également révélé l’existence d’un puits, de deux hypothétiques puisards et d’alignements de trous de poteau dont la fonction reste difficile à déterminer. Ces différents vestiges se répartissent de part et d’autre d’un four excavé (fig. 3).
La zone 2, située à mi-pente sur le versant sud du vallon, couvre une superficie de l’ordre de 800 m2. Elle est riche d’une trentaine de structures correspondant essentiellement à des silos qui se répartissent en deux concentrations distinctes.
Enfin, une troisième concentration de vestiges (zone 3) occupe le fond du vallon. Une nouvelle fois, il s’agit principalement de silos. Ce secteur est apparu comme le moins dense et aucune organisation ne se dégage de l’ensemble des vestiges mis au jour.
En résumé, la fouille a donné lieu à la découverte d’un ensemble de structures à vocation agricole, qui correspondent essentiellement à des fosses d’ensilage, à un four destiné à la préparation des grains (séchage) et/ou à leur transformation (cuisson du pain), et enfin à d’hypothétiques espaces délimités par des trous de poteau. Mais l’apport principal de la fouille est d’ordre chronologique. Les datations physiques effectuées s’échelonnent du VIIe au Xe siècle, vieillissant ainsi l’estimation proposée lors du diagnostic. Ces résultats semblent se répartir selon deux horizons chronologiques distincts. D’une part, certaines fosses, isolées ou appartenant à des ensembles peu structurés, ont visiblement été comblées dans le courant du VIIe ou au début du siècle suivant. D’autre part, les datations obtenues sur l’ensemble principal de la zone 1 sont centrées sur les VIIIe-IXe siècles.
Le mobilier collecté lors de la fouille illustre quelques-uns des aspects de la culture matérielle d’une population lauragaise du haut Moyen Âge. L’équipement domestique se compose essentiellement de céramique commune (fig. 4), peu diversifiée dans ses formes comme dans ses fonctions. Le mobilier en terre cuite a également livré des fusaïoles qui attestent une petite activité de filage. Les quelques fragments de verre recueillis témoignent de la rareté de ce type de vaisselle sur un site de ce type. Le matériel métallique, bien que peu abondant, illustre certaines activités agricoles, domestiques ou artisanales (fig. 5). Par ailleurs, les fragments de meules en grès mis au jour indiquent une activité de mouture des céréales qui s’accorde assez bien avec la vocation agricole du site.
Mais au-delà de ces différentes trouvailles, les datations radiocarbone réalisées ont permis de fixer un cadre chronologique à certains mobiliers mal connus pour ces périodes (céramique, métal, verre). Ainsi, les données acquises lors de la fouille éclairent d’un jour nouveau un jalon important qui est celui de la culture matérielle d’époque carolingienne, encore largement méconnue dans la région.
Au final, les résultats obtenus lors de cette opération ont permis de matérialiser un type d’occupation rurale qui avait jusque-là largement échappé à l’investigation, dans la région et pour cette période. Cette fouille apporte une preuve supplémentaire de la complexité du phénomène de l’ensilage « groupé » du Moyen Âge, dont on ignore encore à peu près tout, des rythmes, des ruptures comme des possibles continuités.
Rémi CARME