Fiche
Résumé
D’importants projets d’aménagement prévus dans le centre urbain de Thiviers ont conduit la municipalité à solliciter une étude historique et archéologique.
Dans un premier temps, l’étude met en évidence le faible intérêt manifesté jusqu’alors pour l’histoire et le patrimoine de cette agglomération. Les fonds documentaires disponibles aux archives départementales de la Dordogne et des Pyrénées Atlantiques s’avèrent pourtant très importants en quantité, mais aussi en variété.
Malgré des destructions et des restaurations préjudiciables pour la compréhension du site, les vestiges conservés en élévation sont encore très denses. En février 2005, une série de sondages sur la longueur de la rue Jean-Jaurès apportent les premières informations d’ordre stratigraphique dans le contexte urbain. Les observations remettent en question l’hypothèse du tracé de la voie antique Périgueux Limoges passant par le centre de Thiviers. Elles localisent précisément la porte du Thou et permettent de constater que la voie correspondant à cet ouvrage est postérieure à un contexte funéraire d’obédience chrétienne, à un fossé, mais également à une construction actuellement désignée par l’appellation « château de Banceil ».
Dans le cadre de l’étude, quatre sondages ont été réalisés : deux sur la place Foch et deux autour de l’église (l’un sur le parvis et l’autre au nord du chevet). Les tranchées sur la place Foch témoignent de la disparition de la totalité des aménagements et niveaux anthropiques antérieurs au XIXe siècle. Cet état peut être imputé à la construction d’un immeuble sur cave au XIXe siècle ainsi qu’à un décaissement lors de l’aménagement de la place au début du XXe siècle. Le sondage sur le parvis de l’église a mis au jour une série d’inhumations. Les plus anciennes pourraient être synchrones d’une structure en bois dont il ne reste plus qu’un négatif dans l’argile géologique. Les données recueillies indiqueraient que le contexte funéraire abordé n’est pas antérieur aux XIe et XIIe siècles. Il pourrait, dans une première phase, ne correspondre qu’à un espace restreint délimité par cette structure bâtie avant de s’étendre à la totalité du parvis. La seconde tranchée établie dans le cimetière paroissial au nord du chevet n’a pas pu être fouillée intégralement en raison de la densité des inhumations. Une importante série de sépultures a été dégagée. Elle confirme l’utilisation de cet espace funéraire jusqu’à sa désaffection indiquée par les sources au début du XIXe siècle. Les plus anciennes tombes ne sont pas datables ; la stratigraphie des inhumations n’apporte donc pas d’information sur la chronologie d’implantation du cimetière ni sur la construction de l’église. Les vestiges d’un mur correspondraient peut être à une délimitation du cimetière paroissial, mais sa fonction et sa chronologie restent incertaines. L’absence de vestiges du haut Moyen Âge, malgré la preuve de l’existence d’un vicus de Tiverio apportée par deux monnaies mérovingiennes, pose désormais la question de la localisation primitive de cette petite agglomération. Les plus anciennes sources datent des XIIe XIIIe siècles. Elles témoignent de la présence très prégnante de la famille noble des Vaucocour dont des membres endossent à plusieurs reprises la charge d’archiprêtre de Thiviers. Il semblerait cependant que la ville ait réussi à se démarquer de leur pouvoir seigneurial par l’instauration d’un gouvernement de consuls. L’implication des vicomtes de Limoges, bien qu’évidente, n’a pu être attestée et la chronologie de constitution de la ville en tant qu’entité politique et territoriale demeure inconnue. Le recoupement des quelques informations collectées sur le site et de la documentation écrite a permis de tenter un schéma d’implantation de l’habitat au XIVe siècle, avec quelques édifices et aménagements supposés antérieurs. L’église Notre-Dame et la maison noble de Vaucocour semblent installées et desservies par une voie bordée d’un établissement dit des « Lazare ». Cet édifice pourrait correspondre à une léproserie dépendante de l’ordre de Saint Lazare de Jérusalem. Un premier fossé, peut être associé à un mur d’enceinte, a été localisé grâce aux sondages d’Hervé Gaillard (TR 300). Le tracé et la chronologie du creusement demeurent cependant méconnus. Aucun lien avec la rue des Fossés (actuelles rues Jules Sarlandie et André Gay) ne peut être établi. L’abandon de ce système défensif commence certainement après une phase d’extension de l’habitat qui est accompagnée par le percement de la rue du Thou (actuelle rue Jean-Jaurès) et la création d’une porte. L’enceinte urbaine n’aurait alors pas été agrandie mais substituée par une organisation de l’habitat en système clos. Les percements de la rue Peze et de la Tour pourraient être synchrones de ces aménagements estimés du XIVe siècle. C’est à cette période qu’apparaît la première mention de faubourgs. Les vestiges apparents de l’habitat privé urbain se résument à quelques baies conservées dans des élévations fortement modifiées et restaurées. des études de bâti seraient indispensables pour dresser un véritable corpus et augmenter les connaissances sur l’organisation de l’habitat à cette période.
Au sud de l’établissement des « Lazare », l’édifice appelé « château de Banceil »est une construction de caractère seigneurial supposée être une résidence de la famille Saint Astier. Sa situation périurbaine confirmerait une distinction territoriale entre la ville et les domaines seigneuriaux. D’importantes restructurations du tissu urbain ont lieu dès la fin du XVe siècle. Elles coïncident avec l’anoblissement de familles bourgeoises comme les Bâtard, les Mosnier et les Pelisses. Ces derniers réussissent à se constituer une seigneurie à l’intérieur de la ville. des refontes parcellaires pour l’aménagement de cours et de jardins entraînent d’ailleurs, des modifications du réseau viaire. Certaines portes seulement connues par les sources disparaissent. Les transformations du centre urbain se poursuivent au cours du XVIe siècle. L’habitat est presque entièrement renouvelé. Les constructions s’implantent désormais sur des parcelles en lanière. L’extension ne semble pas planifiée. Elle s’étend en faubourgs le long des trois rues principales. Bien qu’étant la mieux conservée, l’architecture de cette période est encore méconnue. L’inventaire a permis de constater qu’il subsiste quelques beaux exemples de bâtiments avec probablement des boutiques au rez-de-chaussée et des caves. La fin du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle connaissent, avec les guerres de Religions, une réorganisation du système défensif urbain. des fossés sont maintenus, de nouveaux pourraient avoir été créés et des nouvelles portes ont semble-t-il été placées sur les axes principaux de manière à englober les récents faubourgs dans la défense de la ville. Ces dispositions ont malheureusement toutes été effacées du paysage urbain. Le XVIIe siècle connaît les derniers grands aménagements avant le XIXe siècle. Un couvent de Récollets s’installe en périphérie immédiate au nord-ouest de la ville. Un champ de foire est implanté à côté. Les connaissances devraient être prochainement complétées par une datation par 14C des inhumations trouvées sous la maçonnerie de la porte du Thou. Les prochains travaux d’aménagement prévus sur la place Foch détruiront peu de vestiges, éventuellement des structures appartenant à la résidence des Pelisses. Au contraire, ceux sur le parvis de l’église réclament une surveillance car ils atteignent immédiatement des niveaux d’inhumation et risqueraient de détruire les données concernant la structure apparue en négatif. Certains édifices comme l’église ou l’établissement des « Lazare » devraient faire l’objet d’études plus poussées pour authentifier les vestiges et préciser leurs chronologies. Enfin, étant donné le temps nécessaire, l’étude historique pourrait faire l’objet d’un travail de recherche de type universitaire.
Patrick BOUVART